À quelques minutes du coup d'envoi de chaque match local, Joey Saputo s'assoit dans son fauteuil, situé au sommet de l'une des sections centrales du stade. Pendant les 90 prochaines minutes, le président de l'Impact va vibrer au rythme du match et des autres spectateurs. Lors de chaque rendez-vous, au moins un partisan lui tend son billet pour s'enquérir de l'emplacement de son siège.

« Certains me reconnaissent, raconte le président de l'Impact en riant. Je suis assis et ils commencent à chercher leurs sièges. Après le leur avoir montré, ils se retournent et disent : «Hé, c'est Monsieur Saputo». » Je fais tout, je suis même placier. »

À l'inauguration du stade au printemps 2008, Saputo n'avait pas à se préoccuper de ce genre de problème, lui qui regardait les matchs dans une loge. Il a fait ce changement l'an dernier, pour être « au coeur de l'action» et «mieux sentir l'émotion de la foule ».

Ce faisant, il a aussi pu ressentir l'évolution du soccer, celui de son club, et la hausse d'intérêt qu'il génère depuis deux décennies maintenant. Car comme bien des Québécois , Saputo avoue qu'il n'a jamais joué au soccer dans sa jeunesse. C'est lorsque sa famille a décidé de s'engager auprès du défunt Manic son mandat étant celui d'intermédiaire qu'il a vraiment découvert le monde du ballon rond. Très vite, des amitiés avec les joueurs se sont nouées et la piqûre du soccer a fait effet. À la fin de l'année 1992, le Groupe Saputo n'était plus un simple commanditaire, mais le propriétaire d'une nouvelle équipe : l'Impact. Depuis, le club a remporté trois championnats, mais a aussi vécu une faillite, peu de temps après sa cession au groupe Ionian, en 2000. L'homme d'affaires de 48 ans est réapparu dans le portrait en 2001, pour ne plus le quitter. Ces meilleurs souvenirs mélangent autant les bonnes que les mauvaises périodes.

« Il y a eu beaucoup de moments intéressants : notre premier match, notre premier championnat, notre match au Stade olympique contre Santos Laguna. Mais la chose la plus importante est qu'il y en aura encore. On veut encore donner au public montréalais des moments excitants. «On a aussi eu des années difficiles avec certains joueurs qui ont joué pour presque aucun salaire . Quand des athlètes le font pour l'amour du sport, c'est sûr que ça t'inspire », souligne-t-il alors que le club fête ses 20 ans cette année.

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Saputo a donc assisté à la naissance du club, sa crise d'adolescence, sa croissance, puis son passage à l 'âge adulte lors de l'entrée dans la Major League Soccer (MLS), en 2012. Sa gestion du club ressemble à celle d'un papa engagé et protecteur, capable de verser quelques larmes lors de l'annonce du passage dans la MLS, mais aussi de se montrer un peu trop impulsif en quelques occasions. Voilà pourquoi, avec le recul, il regrette la décision de s'être un peu trop éloigné de l'équipe, l'an dernier. « Il faut que les joueurs sentent la passion du propriétaire et qu'ils comprennent que je suis avec eux lors de chaque match. Ils doivent voir qu'une défaite me fait mal autant qu'une victoire me fait du bien. Cette année, je serai plus engagé, comme une meneuse de claque si l'on veut. Par contre, il faut laisser les experts du club prendre les décisions techniques », explique-t-il en énumérant son objectif pour 2013.

«Faire mieux que l'an dernier, ce qui nous donnerait de bonnes chances de participer aux séries éliminatoires.»

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Depuis quelques mois, Saputo a aussi senti le besoin de se rapprocher des partisans. Avant d'inaugurer un blogue, sur le site du club en décembre dernier, il a pris Twitter d'assaut en pimentant ses interventions de quelques indices sur l'identité des futures recrues. Mais il l'utilise également pour sonder le public.

« Avec la technologie d'aujourd'hui, il faut être à l'écoute de nos partisans. Et si vous ne me croyez pas, demandez aux membres de mon équipe. Chaque fois que je lis quelque chose qui a du sens, je leur dis d'y regarder de plus près ». Et sur Twitter, il n'y aucun risque de se méprendre sur son identité