Notre chroniqueur a couvert le Tournoi des Maîtres à Augusta de 2008 à 2010. L'année dernière, il a réussi à jouer 18 trous sur le parcours Augusta National au lendemain de la ronde finale. Il explique ici ce qui distingue ce parcours de ceux des autres tournois majeurs.

À la ronde finale du championnat Transition le mois dernier, Justin Rose fermait les yeux pendant ses roulés. S'il continuait cette semaine à Augusta, ce ne serait pas mauvais pour sa tension artérielle.

La vitesse exacte des verts du National reste un des secrets d'État du club privé. Selon les pros, il s'agirait des plus rapides du golf. À égalité peut-être avec ceux de Pinehurst no.2 ou d'Oakmont à l'Omnium des États-Unis. Comme aurait pu le dire RBO, pour gagner le Tournoi des Maîtres, il faut «un putter à la place d'un cerveau».

Reste que le type de joueur avantagé par le National a passablement changé. À la naissance du tournoi en 1934, la puissance importait plus que la précision. Le parcours favorisait une trajectoire haute avec un crochet de droite à gauche. Précisément ce que frappait le cofondateur du club, Bobby Jones...

La création de l'architecte Alistair Mackenzie ressemblait à un parcours links dans un jardin botanique. Au lieu du vent qui fouette l'air salin au visage, on imagine qu'il y flottait plutôt une petite brise géorgienne et des odeurs de pêche. Mais à l'image d'un links, le terrain était ondulé, rempli de monticules et comptait très peu d'arbres. Il n'y avait jamais une seule façon de jouer un trou. L'imagination devenait le 15e bâton dans le sac.

Il n'y a pas si longtemps, au 9e trou, les pros visaient encore l'allée du 8e pour améliorer leur angle d'approche au vert. Ce n'est plus possible.

Le National cultive un curieux paradoxe. Tout en étant le parcours le plus ancré dans ses traditions, c'est aussi celui qui se réinvente le plus pour survivre aux assauts de la technologie et se rapprocher de la perfection.

Depuis l'offensant -18 de Tiger Woods en 1997, le club a laissé pousser l'herbe longue - un peu -, planté des arbres matures, entre autres au 7e et 11e, et rallongé plusieurs trous.

Désormais, les longs cogneurs ne sont pas plus avantagés à Augusta que sur les autres parcours. Deux des quatre derniers vainqueurs, Zach Johnson et Trevor Immelman, n'étaient pas particulièrement puissants.

Alors, qu'est-ce qui distingue le National? Les pros n'y sont pas toujours sur la défensive. La majorité des trous offrent autant de chances d'oiselets que d'écueils.

Pour y gagner, il faut bien exécuter les coups, mais aussi prendre les bonnes décisions. Et quand la bouche s'assèche et que le coeur se gonfle, la première chose qui disparaît n'est pas le contrôle de ses mouvements. C'est le contrôle de ses pensées.

Il faut évaluer le vent et ne plus douter de son choix de fer au 12e, où le vent tourbillonne et le mouvement des pins et des fanions ressemble parfois à une énigme.

Il faut choisir si on attaque le fanion au 13e et au 15e, où le gazon lustré montre à quel point une balle peut reculer facilement dans l'eau.

Il faut aussi savoir où ne pas faire ses erreurs. À gauche du 8e vert, il n'y a pas vraiment d'espoir. Selon la location du 14e, une approche 20 pieds à droite est plus qu'acceptable. Mais six pieds à gauche et elle dégringole jusqu'au devant du vert en forme de dos d'éléphant.

Il y a beaucoup d'occasions de se couvrir de gloire ou de ridicule sur le National. Heureusement pour les amateurs, tout cela se voit en HD.