Hugo Houle n’a pas reçu de confirmation, mais il a déjà consulté l’horaire des vols entre Nice et Biarritz, où il sautera dans une voiture pour rejoindre Bilbao, ville espagnole qui accueillera le grand départ du Tour de France, le 1er juillet.

À moins d’un revirement, le Québécois de 32 ans participera donc pour la cinquième fois consécutive à la plus grande course cycliste au monde, ce qu’un seul autre Canadien a accompli, son directeur sportif chez Israel-Premier Tech (IPT), Steve Bauer, au plus fort de sa gloire entre 1987 et 1991.

Bauer, qui a pris part à 11 Grandes Boucles au total, et Houle partagent également l’honneur d’être les uniques vainqueurs d’étape canadiens.

Malgré cette distinction, acquise l’an dernier lors de la 16e étape vers Foix, Houle n’a jamais considéré comme assurée sa présence à ce 110e Tour, qui se poursuivra jusqu’au 23 juillet et la traditionnelle arrivée à Paris.

« J’avais encore à me justifier cette année, a indiqué Houle lundi. Je n’avais pas de garantie avant d’aller au Tour de Suisse. Mes performances là-bas ont montré que je suis en forme, que je m’en viens et que je suis exactement et parfaitement sur mes échéances, comme l’année dernière. Ça a rassuré tout le monde. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Hugo Houle

Après un printemps compliqué par la maladie, il a probablement dissipé ses propres questions, s’il en avait encore, avec sa prestation en terre helvète. Il a fini à la 21e place du classement général d’une épreuve assombrie par la mort tragique de Gino Mäder, prometteur coureur suisse de 26 ans qui n’a pas survécu à ses blessures subies lors d’une chute dans la descente finale de la cinquième étape, jeudi.

Ce jour-là, Houle a été parmi les derniers repris d’une longue échappée royale. Dans la descente à grande vitesse de l’Albula, il a été surpris de croiser quelques voitures arrêtées en bordure d’un ravin. En quelques secondes, il a saisi la gravité de la situation. Son pressentiment s’est confirmé en soirée devant l’absence d’informations autres que Mäder avait été ranimé sur place avant d’être héliporté.

L’annonce de sa mort, une heure avant le départ le lendemain matin, a évidemment provoqué une onde de choc dans le peloton.

« Ça a frappé tout le monde et ça a pris beaucoup d’énergie émotionnellement. On est conscients du risque, surtout dans la descente d’un col. On roule très vite, les vélos sont de plus en plus performants, ce qui permet d’aller encore plus vite et de chuter à plus grande vitesse.

« Personnellement, je ne suis pas plus inquiet qu’avant, a-t-il poursuivi. Je suis conscient qu’il y a un risque, mais il y a aussi un risque quand je fais du vélo dans le centre-ville de Montréal. Il est probablement aussi grand que quand je descends dans un circuit fermé à 100 km/h. »

Je suis à l’aise avec les risques que je prends. Et avec ce que j’ai vécu dans le passé, quand ça arrive, ça arrive.

Hugo Houle

Plus prosaïquement, celui qui avait dédié sa victoire d’étape au Tour de France l’an dernier à son défunt frère n’a pas pu s’exprimer sur les sixième et septième étapes qu’il avait cochées. La première a été réduite à une douloureuse procession de 20 kilomètres en hommage à Mäder, la seconde a été neutralisée jusqu’aux 25 derniers kilomètres.

Houle a pris le 37e rang du contre-la-montre final dimanche, reculant ainsi d’une place au classement général, ce qui lui a coûté 10 points UCI. Cette perte serait anecdotique, n’eût été la position inconfortable de sa formation, reléguée du WorldTour faute de récolte suffisante l’an dernier, et qui doit sa présence au Tour de France à l’une des deux invitations des organisateurs.

« J’ai donné le maximum, mais les résultats du chrono ne sont pas à la hauteur de mes attentes », a précisé le médaillé d’or des Jeux panaméricains de 2015, loin de s’en faire outre mesure. « On travaille à l’amélioration de notre équipement. »

« Je devrais en faire partie »

Au-delà de ses accomplissements en Suisse, Hugo Houle s’encourage de ses réalisations à l’entraînement, lui qui a passé trois semaines en altitude en Andorre et à Isola 2000, dans les Alpes-Maritimes, avec les autres candidats d’IPT à une sélection pour le Tour.

Aucune liste préliminaire n’a été rendue publique, « pour ne froisser personne », mais Houle s’attend à être parmi les huit membres de l’équipe qui s’élanceront du Pays basque le 1er juillet.

« En théorie, de ce que j’ai entendu, j’ai la garantie d’aller au Tour. La sélection officielle ne sera dévoilée que jeudi ou vendredi. Il y a comme cinq, six coureurs [dont le choix] n’est pas trop contestable. Je devrais en faire partie. Il y a ensuite deux ou trois places où ça devrait être un peu plus corsé, comme c’est le cas chaque année pour le Tour. »

Le cycliste originaire de Sainte-Perpétue convient que son succès d’étape milite en sa faveur, mais il préférait « ne pas [s]’asseoir » sur les « garanties de l’équipe ».

« Je ne suis pas le dernier venu, j’ai fait mes preuves sur le Tour. Ça fait déjà quatre fois de suite que je le fais. Je suis assez performant chaque année. C’est sûr que ça laisse une marque dans le processus de sélection. […] Mais il reste qu’il faut assurer à 10-15 jours du départ. »

Si son compatriote Michael Woods, sacré pour la deuxième fois à la Route d’Occitanie dimanche, souhaite tenter sa chance au classement général dans cette édition qui ne compte qu’un seul contre-la-montre, Houle s’attend à ce que la stratégie collective soit axée sur « la chasse aux étapes » comme en 2022.

« Ça m’ouvre beaucoup d’occasions pour faire ce que j’ai fait l’année dernière. Je veux faire partie d’échappées dans des étapes costaudes, un peu montagneuses, qui me conviennent bien, dans la deuxième ou la troisième semaine. »

Ses performances de l’an dernier – il est également monté sur le podium de la 14e étape et a conclu au 23e échelon du général – ajoutent-elles de la pression ?

« C’est une motivation », a répondu celui qui se réjouit du soutien supplémentaire qui lui est accordé par l’équipe cette saison.

Il y a des bénéfices qui viennent avec la pression.

Hugo Houle

S’estimant « au même niveau, voire un peu mieux » qu’à la même période l’an dernier, Houle s’attend à aborder ce cinquième Tour « un peu plus frais et reposé ». « Ça devrait me servir parce que le départ est très, très difficile cette année à Bilbao comparativement au Danemark [en 2022]. »

« Est-ce que je réussirai à accomplir un grand coup de chapeau ? Ce n’est pas garanti. Mais je veux être là physiquement au même niveau, dans les mêmes dispositions que l’année dernière, pour qu’on me voie aux avant-postes sur certaines journées et que je sois capable de faire vivre de bonnes émotions aux gens qui me suivent au Québec et au Canada. »

De « bonnes chances » pour Boivin

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ISRAEL–PREMIER TECH

Guillaume Boivin, en plein centre, en compagnie de Chris Froome (2e à partir de la droite), lors de la Route d’Occitanie la semaine dernière

Guillaume Boivin, l’autre Québécois d’Israel-Premier Tech, est lui aussi candidat à une place sur le Tour de France. L’athlète de 34 ans a accompagné son ami Michael Woods vers la victoire à la Route d’Occitanie. Il vise un troisième Tour consécutif, lui qui avait été appelé à la dernière minute l’an dernier après des cas de COVID-19 chez des partants annoncés. Péniblement, il s’était rendu jusqu’à la 20e étape, alors que la maladie l’avait contraint à l’abandon avant l’arrivée à Paris. « C’est peut-être moins clair que pour moi, mais il a fait du bon travail [en Occitanie] et je pense qu’il a de bonnes chances », a évalué Hugo Houle.