Après 18 années dans le patinage de vitesse, Marianne St-Gelais tourne la page. Personnalité marquante du sport québécois depuis ses deux médailles d'argent aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010, elle sera célébrée par parents, amis et coéquipiers lors d'une soirée aujourd'hui à Montréal. En entrevue hier, elle est revenue sur sa carrière, son avenir et « deux semaines difficiles » aux Jeux de PyeongChang.

Marianne St-Gelais est apparue comme un météorite dans le petit monde médiatico-sportif québécois. Comme elle le dit elle-même, elle était une « nowhere » avant de gagner une médaille d'argent le jour de son 20e anniversaire aux Jeux olympiques de Vancouver, en 2010.

Huit ans plus tard, la patineuse de vitesse sur courte piste était en discussion avec André Robitaille après avoir livré sa dernière chronique de la saison à l'émission Entrée principale, hier après-midi, à Radio-Canada. Le vétéran de l'animation lui prodiguait quelques conseils au cas où elle reviendrait l'automne prochain.

« C'est là qu'on se rend compte des qualités qu'on a acquises comme athlète, disait-elle quelques minutes plus tard, assise sur la terrasse ensoleillée de la tour brune. Notre quotidien, c'était ça, se faire dire ce qu'on doit corriger. On est habitués, on prend bien la critique. »

À 28 ans, dont les 18 derniers consacrés à son sport, St-Gelais plonge dans le vide. Normalement, à ce temps-ci, elle avait déjà repris l'entraînement.

« C'est sûr que je m'ennuie. Des fois, je me dis que ma vie d'avant, je l'aimais. Justement, c'est le piège. Quand j'étais patineuse, j'avais un horaire, j'étais encadrée. C'est ça qui est déstabilisant, qui fait peur quand tu prends ta retraite. Du jour au lendemain, tu n'es plus personne. Personne ne s'occupe de toi. »

Elle poursuit : « J'ai toujours eu le sport et la performance en tête. Là, il faut que je prenne soin de moi parce qu'il faut que je prenne soin de moi. Pas : "Je ne peux pas manger de chips ou boire de l'alcool parce que j'ai une compète dans deux semaines." Non. Il faut que je fasse attention à moi, Marianne. C'est difficile, ça. Je me suis rendu compte que je m'oubliais dans le sport. La personne a pris le bord pendant des années. »

Incertitude

« En paix » avec sa décision mûrie de longue date, la native de Saint-Félicien s'ennuie surtout de la compagnie de ses coéquipières, avec qui elle est toujours en contact. De patiner ? Pas du tout.

« J'en suis là, à voir vraiment ce dont j'ai besoin pour me repartir une nouvelle routine. En même temps, j'ai besoin de ce moment-là d'incertitude, où j'ai des temps morts. Parce que ça n'a jamais été ça pendant les 11 dernières années et ça se peut que ce le soit pendant un bout par la suite. J'ai besoin de ce temps de calme et, oui, d'angoisse. Je n'ai pas peur de mon avenir. »

« En ce moment, ça va super bien, j'ai des contrats, des trucs. Financièrement, c'est correct. Ma famille est là, j'ai de bonnes personnes autour de moi. C'est juste que je suis seule, livrée à moi-même. J'ai de la misère. C'est juste ça. »

La nouvelle retraitée doit maintenant composer avec des questions dont les réponses ne sont pas conditionnées par le sport. La première, la plus fondamentale : « Est-ce que je reste à Montréal ? » Pour l'heure, même si elle s'ennuie toujours de son coin de pays quitté à l'âge de 17 ans, elle a décidé de s'établir dans la métropole. Les occasions dans le monde des médias, qu'elle s'est « surprise » à aimer et qu'elle découvre encore, seront forcément plus nombreuses.

« Je me donne cette chance-là, résume St-Gelais. Je me suis rendu compte que j'aimais écouter, partager des choses, être entourée. Je peux très bien prendre ces facettes de ma personnalité et m'en servir. Je n'ai pas besoin d'être devant le Kodak. On s'aligne vers ça. J'ai donné des conférences, ça peut être de la radio. J'ai travaillé avec Pierre Lavoie [à la Course du Grand Défi] et j'ai adoré ça. »

Rupture

En principe, St-Gelais devait se marier cet été avec Charles Hamelin, l'homme dont elle était indissociable depuis leur embrassade sur le bord de la bande à Vancouver en 2010. Ce geste spontané en a fait le couple chéri des Québécois, jusqu'à l'annonce surprise de leur séparation à leur retour des Jeux de PyeongChang, quelques jours avant le début des Championnats du monde de Montréal, en mars dernier.

Cette rupture imminente a-t-elle eu un impact sur ses prestations en Corée du Sud ? « Pas pour moi », assure St-Gelais. Figurant parmi les favorites à titre de double vice-championne mondiale, elle a subi deux disqualifications et une élimination en quart de finale du 1000 m. Le scénario catastrophe s'est répété aux Mondiaux.

« Aux Jeux, on était ensemble », précise-t-elle. En revanche, ils avaient décidé de les vivre chacun de leur côté, avec leur équipe respective. « C'est sûr que c'était dans l'air parce qu'on avait vécu deux Jeux olympiques ensemble, où c'est le couple qui avait été mis de l'avant et où on était habitués de vivre dans les pas l'un de l'autre. Des fois, on se disait que ça aurait été le fun de le vivre ensemble, mais c'était un choix qu'on avait fait au début. »

St-Gelais ne « s'explique pas » ses contre-performances à PyeongChang, sinon par les aléas du patinage de vitesse courte piste et des « choses très, très bizarres » dont elle refuse de révéler la teneur.

« J'ai entendu des choses qu'on n'aurait jamais dû entendre en tant qu'athlètes, mais c'est comme ça. Je ne vais pas les dire parce que ce n'est vraiment pas bon pour mon sport. Ça aurait été facile de plonger dans une zone négative par rapport à mon sport. Mais j'ai décidé que je ne voulais pas aller là. J'ai décidé que j'ai eu 18 années merveilleuses et il y a eu un deux semaines difficile, c'est tout. Difficile côté résultats, mais sur le plan humain, ça a été fantastique. Ça dépend toujours de comment tu vois les choses. »

Voilà peut-être le sujet d'une future chronique.

Photo Robert Skinner, Archives La Presse

Marianne St-Gelais a pratiqué le patinage de vitesse pendant 18 ans.

Photo Bernard Brault, Archives La Presse

Marianne St-Gelais a connu « deux semaines difficiles » aux Jeux olympiques de PyeongChang.