(Manille) En tenue dénudée, Christelle Guno se déhanche sur un tube de Britney Spears en agrippant une chaise, dans un cours de danse à Manille : comme d’autres femmes, elle cherche à faire fi des tabous et à renouer avec sa sensualité grâce au « chairlesque ».

Construit à partir des termes « chair » (chaise, en anglais) et burlesque, ce genre inventé par l’animatrice des lieux, Noreen Claire Efondo, vise à décomplexer les femmes en leur permettant d’adopter des postures lascives sans peur du regard des autres.

« Depuis que je suis petite, les gens se moquent de moi parce que je suis potelée. Ça a sapé ma confiance en moi », confie Christelle Guno, qui se dit enchantée de ce cours.  

« Je l’ai choisi, car c’est un lieu dans lequel je me sens en sécurité et où je peux exprimer mes émotions », ajoute-t-elle. Grâce à cette danse, « je me sens sexy et je trouve la confiance en moi que je recherchais ».

PHOTO JAM STA ROSA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Chriselle Guno (à droite)

Dans un pays à 80 % catholique, où les questions de sensualité et de sexualité restent souvent taboues, c’est précisément le but que Noreen Claire Efondo s’était fixé en créant le chairlesque en 2017.

« C’est vraiment important de pouvoir se sentir sexy et sensuelles, car notre corps a besoin de se détendre. Il a besoin de se libérer de toutes ces inhibitions » imposées par la norme sociale, souligne-t-elle.

Au début, les nouvelles élèves sont invitées à s’exprimer sur leurs complexes et leurs préoccupations concernant leur corps et leur sexualité.

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Noreen Claire Efondo

Puis Noreen Claire Efondo leur apprend à faire bouger langoureusement leur corps non seulement en position debout, mais aussi couchée ou assise.

« S’aimer soi-même »

Un exercice qui attire également des femmes matures, comme Henna So. « J’ai envie de m’offrir cela », explique cette mère de 50 ans, qui dit vouloir renouer avec son corps et sa sensualité maintenant que son fils est grand.

« Après tout ce que j’ai donné pour l’éducation de mon fils, je pense qu’il est temps que je m’aime moi-même. S’aimer soi-même, c’est le préalable à tout le reste », souligne-t-elle.

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Henna So (au centre)

Démarche partagée par Bianca Alvarez, 38 ans, qui confie chercher elle aussi à « nourrir » une sensualité étouffée au quotidien par son rôle d’épouse et de mère de deux enfants.

Reste que cette approche visant à décomplexer l’appréhension de son corps ne fait pas l’unanimité aux Philippines, où sur les réseaux sociaux Mme Efondo est parfois accusée de faire « honte » aux femmes.

Dans le pays, les questions de sexualité restent taboues, en particulier pour les femmes, relève la sexologue clinicienne Rica Cruz. « Le simple fait de parler de sexe est jugé vulgaire, car on estime qu’une femme n’a pas à parler de ça », résume-t-elle auprès de l’AFP.

Pour Christelle Guno, le chairlesque a permis de jeter les complexes à la rivière.

La jeune femme, qui lors de ses premiers cours il y a deux ans dansait sans presque dévoiler son corps, est aujourd’hui parfaitement à l’aise en simple bikini.

« C’est vraiment dur aux Philippines. Je n’entre pas dans les canons de beauté de la plupart des gens », relève-t-elle. Opératrice en centre d’appel, elle dit vouloir devenir à son tour formatrice de chairlesque « pour aider d’autres femmes à s’accepter elles-mêmes ».