Quiconque met les pieds à Amos pour la première fois pourrait bien se demander pourquoi la petite municipalité possède une église majestueuse d’inspiration néo-byzantine. Trônant sur un promontoire, telle une reine d’autrefois, la cathédrale Sainte-Thérèse-d’Avila célèbre ses 100 ans.

Dès qu’on évoque la question avec Carmen Rousseau, la présidente de la Société d’histoire d’Amos dresse un parallèle avec les incendies de forêt qui sévissent depuis des semaines en Abitibi-Témiscamingue. « À l’époque de sa construction, l’une des priorités était d’avoir une église à l’épreuve du feu. »

En effet, la population était encore traumatisée par l’incendie qui, en 1913, avait rasé le village qu’était Senneterre, avant de se propager le long de la voie ferrée jusqu’au centre d’Amos. Sans oublier le grand incendie de Haileybury, une municipalité du Nord-Est ontarien qui avait été presque entièrement ravagée en 1922.

Si, à l’époque, le béton s’imposait peu à peu comme une solution antiflamme quand venait le temps de bâtir des maisons, le matériau faisait encore figure d’exception lorsqu’il était question d’une église. Sauf peut-être pour Aristide Beaugrand-Champagne, l’architecte à qui l’on doit les plans du chalet du Mont-Royal et de l’église Saint Michael’s, la toute première église faite de béton armé au Canada.

  • La construction de la cathédrale a commencé dans les années 1920.

    PHOTO FOURNIE PAR SHA – FONDS SOCIÉTÉ D’HISTOIRE D’AMOS

    La construction de la cathédrale a commencé dans les années 1920.

  • Les gens du village ont été mis à contribution pour ériger la cathédrale.

    PHOTO FOURNIE PAR SHA – FONDS SOCIÉTÉ D’HISTOIRE D’AMOS

    Les gens du village ont été mis à contribution pour ériger la cathédrale.

  • L’architecture est d’inspiration néo-byzantine.

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    L’architecture est d’inspiration néo-byzantine.

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Architecte renommé

Comment expliquer qu’un architecte d’une telle envergure ait accepté le mandat de créer une église à Amos, une ville en pleine colonisation ? Aucune information officielle n’existe à ce sujet, mais Carmen Rousseau émet une hypothèse. « Il y a quelques mois, je me suis rendu compte que Beaugrand-Champagne était né à Saint-Anicet, tout comme Mgr Latulipe, l’évêque de Haileybury dont dépendait l’Abitibi. Je me demande si c’est par son intermédiaire que Mgr Dudemaine [le premier curé d’Amos] l’a contacté. »

Toujours est-il que l’architecte a dessiné un lieu de culte mariant certaines caractéristiques de l’architecture byzantine et de l’architecture chrétienne médiévale de l’Europe de l’Est produite sous l’Empire byzantin.

À Amos, les visiteurs peuvent admirer le plan circulaire de la cathédrale, ses fenêtres cintrées campées à l’intérieur d’arcades et son imposant dôme nervuré. Un dôme qui, à l’époque, était le plus grand fait de béton armé au Québec, avant d’être dépassé, en 1937, par celui de l’oratoire Saint-Joseph de Montréal.

PHOTO FOURNIE PAR SHA – FONDS STUDIO MORASSE/H. DUDEMAINE

La cathédrale, une fois terminée

Au début des années 1920, la population amossoise dépassait tout juste 2000 personnes. « Amos avait une chapelle-école qui avait été bâtie quand la ville comptait un peu plus de 500 habitants. Autour de 1918, quand on a commencé à parler de construire une cathédrale, la population avait presque quadruplé. Il fallait soit agrandir la chapelle, soit construire à neuf. »

Un emblème pour la ville

Le quart de la population s’opposait à la construction, généralement pour des raisons financières, mais la majorité des gens était d’accord. La construction du bâtiment religieux a coûté 150 000 $ aux paroissiens, qui ont eux-mêmes réalisé la majorité des travaux lors de corvées populaires. « J’appelle ça du bénévolat forcé, illustre Mme Rousseau avec un sourire dans la voix. J’imagine que si tu ne participais pas, c’était mal vu. »

PHOTO GUY DARBY, FOURNIE PAR LA CATHÉDRALE D’AMOS

Lieu de recueillement, la cathédrale est aussi un emblème pour la ville.

Ainsi, la municipalité a fourni les muscles, les briques et le bois, alors que le ciment, nécessaire à la fabrication du béton, ainsi que le cuivre recouvrant le dôme de la cathédrale sont venus surtout par chemin de fer.

Vingt ans plus tard, une infiltration d’eau a nécessité des travaux de réfection.

Mais c’est dans les années 1960 que l’église a connu de grands changements. « À l’origine, l’intérieur n’était pas du tout décoré ! Ça devait être assez bizarre », dit Carmen Rousseau, présidente de la Société d’histoire d’Amos.

Lorsque Mgr Dudemaine a été remplacé par Mgr Lafrenière, ce dernier s’est donné comme mandat de terminer la décoration intérieure. « C’est à cette époque que sont apparus les mosaïques, les vitraux et le bas des murs en marbre. On a aussi retiré le baldaquin du chœur et l’énorme lustre accroché au plafond. Il bougeait tout le temps à cause des vibrations et les gens avaient peur qu’il tombe. »

Des travaux de mise à jour ont été faits au tournant du millénaire, mais pas dans les règles de l’art. « Les travaux ont été mal faits, précise Mme Rousseau. C’est la faute à qui ? Mystère et boule de gomme. Mais il a fallu les reprendre. »

La plus récente période de réfection s’est conclue au printemps 2023. « Depuis un an, je trouve qu’elle n’a jamais été aussi belle à l’extérieur, s’enthousiasme l’historienne. Ils ont aussi refait les portes, nettoyé les vitraux et les mosaïques. »

Les travaux de 6 millions de dollars ne plaisent cependant pas à tout le monde. « Une minorité de gens se demande pourquoi on met tant d’argent pour réparer une église alors que le taux de pratique religieuse est en baisse depuis longtemps. Mais à Amos, on considère la cathédrale comme un emblème et un lieu touristique. »

Célébrations du centenaire

PHOTO GUY DARBY, FOURNIE PAR LA CATHÉDRALE D’AMOS

Le centenaire sera célébré tout l’été.

Tout l’été, il sera possible de visiter la cathédrale gratuitement, du lundi au vendredi, de 9 h à midi. Des festivités soulignant le centenaire de la cathédrale sont prévues ce dimanche 9 juillet. Une messe en matinée sera suivie d’un dîner communautaire et, plus tard en soirée, d’un concert de Gregory Charles (qui affiche déjà complet).