Le tiers des ordonnances d'antibiotiques ne sont pas appropriées, généralement parce qu'elles visent à traiter une maladie causée par un virus plutôt qu'une bactérie, selon une nouvelle étude américaine. Seulement pour les infections respiratoires, deux fois trop d'antibiotiques sont prescrits.

«On a vu un progrès dans les années 90, quand les pédiatres ont commencé à être sensibilisés au problème et à expliquer aux parents que les antibiotiques n'étaient pas toujours nécessaires», a expliqué Katherine Fleming-Dutra, auteure principale de l'étude publiée le printemps dernier dans le Journal de l'Association médicale américaine (JAMA), en entrevue depuis les Centres de contrôle des maladies (CDC) du gouvernement américain, à Atlanta. «Mais en l'absence d'un test rapide pour savoir si une infection est due à une bactérie ou à un virus, les patients et surtout leurs parents ne veulent souvent pas attendre. Depuis le début du millénaire, le taux d'ordonnance d'antibiotiques pour les infections est stable.»

La surutilisation des antibiotiques pose problème parce qu'elle accélère l'apparition de la résistance à ceux-ci. La médecine n'est pas la seule responsable de ce fléau, qui fait 500 morts chaque année au Québec selon une extrapolation des données américaines: l'utilisation des antibiotiques en agriculture est aussi controversée.

Le portrait est probablement similaire au Québec, selon Jean Longtin, directeur scientifique du Laboratoire de santé publique du Québec. «Ceci dit, on a une approche assez originale, qui a peut-être diminué les taux de prescription, précise le Dr Longtin. L'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) publie des guides sur le diagnostic et le traitement des infections les plus fréquentes qui sont très, très utilisés par les médecins de première ligne.»

Le ministère de la Santé a mis au point un programme de surveillance des ordonnances d'antibiotiques qui vient d'être étendu à toutes les pharmacies de la province et qui devrait permettre, d'ici 2020, d'avoir des données similaires à celles des CDC américains.

«Ce qui est encourageant, dans l'étude du JAMA, c'est que dans certaines régions des États-Unis, le nombre de prescriptions d'antibiotiques est beaucoup plus bas pour une même infection.» - Jean Longtin, directeur scientifique du Laboratoire de santé publique du Québec

Diminution

C'est justement la prochaine étape des recherches de la Dre Fleming-Dutra, des CDC. «Si on prend les cinq États qui prescrivent le moins d'antibiotiques par visite, on pourrait en diminuer l'utilisation de 30 %, dit-elle. Nous voulons maintenant savoir ce qui explique ces faibles taux d'ordonnance. Certaines de ces approches pourraient être utilisées ailleurs.» Dans le nord-est des États-Unis, par exemple, seulement 146 ordonnances sont données par tranche de 1000 visites en clinique externe pour les bébés de moins de 2 ans, alors que dans les trois autres grandes régions, ce taux va de 188 à 222 ordonnances par 1000 visites.

L'étude de la Dre Fleming-Dutra était basée sur des estimations de la proportion des diverses infections qui sont attribuables à des bactéries, publiées par d'autres chercheurs. Par exemple, les chercheurs des CDC ont regroupé une demi-douzaine d'infections respiratoires - dont l'asthme, la bronchite, l'otite non purulente et la grippe - pour lesquelles des antibiotiques ne devraient jamais être utilisés, et ont calculé que si les lignes directrices de traitement étaient suivies à la lettre dans ces cas, le nombre d'ordonnances d'antibiotiques chuterait de plus de 10%.

Le cas des otites

Attendre deux jours avant de donner des antibiotiques aux enfants. Telle est la position de la Société canadienne de pédiatrie, publiée l'hiver dernier. Seules exceptions: un enfant de moins de 6 mois, une otite purulente, un tympan gonflé, une grosse fièvre, des douleurs depuis plus de deux jours ou un état général très malade. «La plupart du temps, quand l'enfant a mal depuis moins d'une journée mais n'est pas très malade autrement, il s'agit d'un virus, explique la Dre Fleming-Dutra, des CDC. Ça passe tout seul, les antibiotiques n'ont alors aucun effet. Mais il est difficile pour un parent de voir son enfant souffrir sans rien faire.»

La Société de pédiatrie propose aux pédiatres de donner aux parents une ordonnance d'antibiotiques en leur recommandant d'attendre deux jours pour aller les chercher à la pharmacie, si la douleur persiste. Selon une étude américaine de 2006, 40% des parents n'attendent pas les deux jours prescrits.