Utiliser des virus pour lutter contre le cancer est une idée ancienne, mais qui fait l'objet d'une floraison de recherches depuis quelques années, avec des thérapeutiques prometteuses à l'horizon.

Parmi les plus avancées figure un virus modifié de la vaccine - utilisée pour vacciner contre la variole - qui a permis de prolonger de 6 à 14 mois la vie de 30 patients atteints d'un cancer du foie au stade terminal, selon une étude qui vient d'être publiée dans Nature Medicine.

Herpès, adénovirus, rougeole, parvovirus, réovirus, vaccine, une demi-douzaine de virus sont actuellement testés dans le monde pour leurs propriétés oncolytiques, c'est-à-dire leur capacité à infecter et à détruire exclusivement les cellules cancéreuses.

«Dans certains modèles, le virus élimine complètement la tumeur, dans d'autres son action reste insuffisante», explique à l'AFP le Pr Jean Rommelaere, qui travaille sur la virologie tumorale à Heidelberg, au sein du Centre allemand de recherche sur le cancer. Un essai clinique a été lancé il y a plus d'un an par son service sur 18 patients pour tester une thérapie utilisant des parvovirus contre le glioblastome, une tumeur cérébrale au pronostic particulièrement sombre.

«On essaie de détourner les propriétés du virus à bon escient», explique de son côté Marc Grégoire, directeur de recherche à l'INSERM qui travaille sur un vaccin de la rougeole et espère qu'il pourra un jour être efficace dans divers types de cancers (plèvre, poumon et mélanome). Une étude est déjà en cours aux États-Unis pour tester cette virothérapie sur des cancers de l'ovaire et des glioblastomes.

L'intérêt du vaccin de la rougeole est double : utilisé depuis 60 ans, il a fait la preuve de son innocuité, dit-il.

Mais surtout, à une concentration différente de celle du vaccin couramment utilisé pour prévenir la maladie infantile, le virus de la rougeole «est capable de détruire les cellules cancéreuses qu'il infecte, mais également d'activer les cellules immunitaires du patient pour qu'elles s'attaquent aussi à la tumeur», précise M. Grégoire.

Thérapie génique

Pour renforcer l'action anticancéreuse des virus, un nombre croissant de chercheurs ont également recours à de la thérapie génique visant à introduire des gènes spécifiques dans des virus modifiés.

C'est ainsi qu'un traitement expérimental véhiculé par une forme désactivée du VIH pourrait avoir sauvé une petite Américaine de 7 ans condamnée par une leucémie aiguë à la fin de l'an dernier. Des millions de globules blancs (des lymphocytes T) de la petite patiente avaient été traités en laboratoire puis réinjectés afin de détruire les cellules malades.

Mais la plupart des modifications génétiques portent sur la stimulation des défenses immunitaires, comme le montrent les virus utilisés dans les essais cliniques les plus avancés. C'est le cas du virus modifié de la vaccine Pexa-Vec (PX-594) mis au point par la société américaine Jennerex et qui doit encore être testé sur un échantillon de 120 patients.

Un autre essai clinique est en cours aux États-Unis sur un virus atténué de l'herpès sur des patients atteints de cancers du foie ou de métastases cancéreuses du foie.

Les traitements expérimentaux sont en général introduits directement dans la tumeur, mais ils peuvent également, dans certains cas, être injectés en intraveineuse ou par pulvérisation intranasale.

Aucun virus oncolytique n'a encore été commercialisé à ce jour à l'exception d'un adénovirus approuvé en Chine pour les cancers du cou et de la tête, mais dont l'efficacité n'a pas fait l'objet d'essais cliniques reconnus internationalement, relève le Pr Rommelaere.

«Les recherches avancent rapidement, mais il faudra encore quelques années avant que les premiers traitements puissent être commercialisés», résume Éric Tartour, professeur d'immunologie à la faculté de médecine Paris Descartes.

Pour les spécialistes interrogés, l'avenir réside surtout dans la combinaison des diverses approches, virothérapie, immunothérapie, chimiothérapie pour venir à bout du cancer.