Quand certains imaginent déjà les drones en livreur de pizza ou en compagnon éclaireur de l'automobiliste, des chercheurs s'inspirent d'insectes comme la mouche ou l'abeille pour leur permettre de gagner leur autonomie.

«On va très vite arriver aux limites des techniques actuelles, on est condamné à l'innovation», relevait la semaine dernière Stéphane Morelli, secrétaire général de la Fédération professionnelle du drone civil, au cours d'une rencontre consacrée à la science et l'innovation.

«On parle beaucoup d'utiliser les robots volants dans les villes pour faire des livraisons : aujourd'hui c'est impossible», affirme à l'AFP Adrien Briod, du Laboratoire des Systèmes Intelligents à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse.

Les drones sont aujourd'hui dépendants soit d'un opérateur «derrière une télécommande», soit d'une trajectoire programmée par GPS, explique-t-il.

Tant qu'ils restent haut dans le ciel, les choses se passent bien. Le défi des drones de demain sera de s'approcher des obstacles... sans risquer la collision en vol.

«À l'heure actuelle, c'est toujours extrêmement difficile pour un robot de faire face à un environnement imprévisible, à savoir le monde réel», poursuit le jeune chercheur.

Des technologies sont disponibles, mais «ça ne suffit pas», renchérit Stéphane Viollet, directeur de l'équipe de biorobotique à l'Institut des Sciences du Mouvement (ISM) de Marseille (sud de la France). «Il y a encore des mécanismes qu'on n'a pas bien compris pour naviguer plus vite, avec plus de réactivité, de façon autonome».

Pour faire avancer l'intelligence des drones, les chercheurs s'efforcent de prendre de la distance avec les capacités humaines, mal adaptées.

Pour plusieurs équipes, les insectes constituent un excellent modèle d'inspiration.

Mais attention, même si «drone» veut dire «faux-bourdon» en anglais, il ne s'agit pas forcément de concevoir des engins qui ont l'apparence des insectes.

Ce qui intéresse les scientifiques, ce sont les concepts derrière les comportements de ces petites bêtes ailées.

Incarnations technologiques

«La nature nous enseigne qu'on peut faire beaucoup avec peu de ressources», souligne Stéphane Viollet.

Avec son équipe, le chercheur s'attache à comprendre «comment ça fonctionne chez l'insecte». Comment une mouche qui entre dans une pièce arrive à explorer son environnement sans entrer en collision avec les obstacles. Comment une abeille arrive à se tenir au-dessus d'une fleur, à suivre son mouvement, même si la fleur bouge.

«On essaie de comprendre tout ça, et après on l'applique, on le reproduit», explique-t-il. «On incarne ces principes issus de la biologie dans des robots et on fait d'une pierre deux coups : on comprend mieux la biologie et on développe des robots de plus en plus autonomes».

Les chercheurs étudient en particulier la façon dont les insectes perçoivent les choses et s'attachent à développer des «capteurs de vision qui ressemblent beaucoup plus aux yeux des insectes qu'aux yeux humains».

C'est le cas de CurvACE, le premier oeil artificiel à facettes inspiré de la mouche, conçu dans les locaux de l'EPFL et de l'ISM, qui équipe des drones quadirotors.

De l'autre côté de l'Atlantique, le Microrobotics Lab (Harvard) de Robert Wood s'est spécialisé dans la miniaturisation. Dans un article publié cette semaine dans la revue Interface de la Royal Society britannique, son équipe présente un tout petit robot volant doté d'une fonction d'autostabilisation inspirée des ocelles, les organes de détection de la lumière des insectes.

Mais la nature aussi a ses limites. Malgré toute la facilité qu'ont les insectes à naviguer, il leur arrive d'entrer en collision avec des obstacles qui bougent ou qui sont transparents, comme les vitres.

Adrien Briod, cofondateur de la jeune entreprise FlyAbility, a imaginé Gimball, un drone casse-coup capable de tomber et de reprendre sa course, protégé par une sorte de cage sphérique. Il pourra inspecter des endroits inaccessibles aux drones conventionnels, s'enthousiasme-t-il, comme les ponts ou l'intérieur de tuyaux. Une idée aussi inspirée des insectes, protégés des chocs par leur exosquelette.