Des os d'un bras humain datés d'environ 200 000 ans ont été mis au jour en France, sur le site préhistorique de Tourville-la-Rivière (Seine-maritime), en Normandie, une découverte majeure en Europe du nord-ouest pour la connaissance de la lignée Néandertal.

Les fossiles humains se composent des trois os longs du bras gauche d'un même individu (humérus, cubitus et radius). La découverte, qui remonte au 10 septembre 2010, a été présentée jeudi au cours d'une conférence de presse à Paris, simultanément à sa publication dans la revue scientifique américaine Plos One.

Il s'agit d'une découverte «exceptionnelle», a souligné un des chercheurs, Bruno Maureille (CNRS, Université de Bordeaux). «Elle documente une partie assez mal connue du peuplement de l'Europe du nord-ouest, où s'est individualisée la lignée néandertalienne», a-t-il expliqué.

L'homme de Tourville-la-Rivière, tel qu'il est désormais nommé, est daté entre 236 000 et 183 000 ans (Pléistocène moyen), correspondant à la fin d'une période interglaciaire. Les chercheurs parlent d'un individu «pré-Néandertalien», situant les Néandertaliens plutôt entre -118 000 et -30 000.

Mais ses caractéristiques morphologiques «annoncent ce qu'on va retrouver chez Néandertal et permettent de faire l'hypothèse qu'il est bien un membre de cette lignée», a souligné Bruno Maureille.

Les os fossiles ne permettent pas de déterminer son sexe, mais les chercheurs estiment qu'il s'agit d'un individu adulte ou grand adolescent.

Il a été découvert par des archéologues de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), lors de fouilles en prévision de l'exploitation d'une carrière de sable et de graviers, dans un des méandres de la Seine, à une quinzaine de km en amont de Rouen.

C'est la deuxième découverte de ce type en France, après les deux crânes fragmentaires de Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), mis au jour au début des années 80 dans le nord. En Europe du nord-ouest, les rares fossiles humains de cette période proviennent d'une dizaine de sites seulement, en Allemagne et en Angleterre.

TMS préhistorique

Sur le site de fouilles d'un hectare, les archéologues ont mis au jour également un millier de restes d'espèces animales, des grands mammifères (équidés, cerfs, aurochs), des carnivores (loup, panthère) ainsi que de plus petites espèces (chats sauvages, lièvres, castors).

«Des indices permettent d'affirmer que l'homme a chassé ou en tout cas consommé une partie des animaux sur le site», a affirmé Céline Bemilli (Inrap). Des traces de fractures volontaires, pour récupérer la moelle, ont été relevées sur des ossements d'aurochs.

Quelque 700 outils de pierre ont été identifiés, relevant de la technique Levallois, «apparue avec le lignage néandertalien», a ajouté Jean-Philippe Faivre (Inrap, CNRS), responsable scientifique de la fouille.

Selon le scénario retenu par les chercheurs, le bras entier du pré-Néandertalien a été charrié par la Seine avant de se déposer, avec ou sans la main, sur les berges ou sur des bancs de sable au pied de la falaise crayeuse de Tourville-la-Rivière.

Les ossements fossiles sont «extraordinairement fragilisés», a souligné Bruno Maureille, la surface externe est érodée et les zones articulaires ont disparu. Les scientifiques n'ont donc pu y relever aucune trace d'une intervention de carnivores ou même d'autres humains.

En revanche, ils ont mis en évidence une petite curiosité sur l'humérus, un relief inhabituel à l'endroit de l'attache du muscle deltoïde, ainsi qu'un micro-traumatisme au sommet de cette crête, témoin d'un arrachement ligamentaire.

Les chercheurs font l'hypothèse que cette anomalie peut être liée à un mouvement répété d'éloignement du bras de l'axe du corps. Un TMS (trouble musculo-squelettique) préhistorique, en quelque sorte.

Les scientifiques vont maintenant tenter de récupérer de l'ADN ancien pour en apprendre plus sur l'homme -ou la femme- de Tourville-la-Rivière.