Les arômes de l'agro-alimentaire, tels que vanille ou pêche, sont pour la plupart obtenus par synthèse chimique à partir d'hydrocarbures. Mais les micro-organismes pourraient révolutionner ce domaine et devenir des producteurs industriels d'arômes vraiment naturels.

Des chercheurs d'une vingtaine de pays, dont la France, l'Allemagne et la Serbie, réunis au sein du consortium industriel et scientifique «Bioflavour», ont planché cette semaine à Toulouse sur les biotechnologies permettant de créer des arômes à partir de matières premières végétales en utilisant des micro-organismes.

«Il s'agit d'utiliser ces micro-organismes comme usine cellulaire pour créer des arômes naturels», explique dans un entretien à l'AFP Gustavo de Billerbeck, chercheur à l'INSA de Toulouse dans l'équipe Physiologie Moléculaire Microbienne du Pr Jean-Marie François, et à l'initiative de «Bioflavour».

Les arômes naturels de vanille ou de pêche sont obtenus par extraction directe sur les fleurs ou les fruits. Mais les besoins des secteurs alimentaire, pharmaceutique, cosmétique... ont obligé les industriels à se tourner vers des molécules de synthèse, tirées d'hydrocarbures à l'issue de plusieurs réactions chimiques.

Leur coût est de 10 à 100 moins élevé que celui d'un arôme naturel, et cela peut atteindre un facteur de 1000 dans le cas de la vanilline, souligne Gustavo de Billerbeck.

Mais actuellement, «les consommateurs des sociétés occidentales reviennent vers le naturel et les industriels en sont conscients», note le chercheur. D'où l'ouverture d'une troisième voie de production de ces arômes, avec les biotechnologies microbiennes dont le coût de production pourrait devenir raisonnable.

Déjà, note le scientifique, la molécule «gamma-decalactone», qui donne une note de pêche, est produite à un prix acceptable aujourd'hui avec ces biotechnologies, alors qu'il était prohibitif il y a 15 à 20 ans.

Depuis cette époque, le séquençage des génomes des micro-organismes, la compréhension du fonctionnement et des interactions des enzymes, ont permis de créer des banques de données très importantes et d'envisager d'utiliser au mieux le potentiel de ces organismes unicellulaires.

Dans son laboratoire du Pr Jean-Marie François, Gustavo de Billerbeck cherche à «comprendre les fonctions de certains gènes de la levure». Placés dans un milieu de culture, ces micro-organismes consomment des molécules élémentaires comme des sucres pour fabriquer des molécules plus complexes que sont les arômes, comme ceux procurant une note de banane.

En présence d'autres composés comme des acides aminés, ils produisent des molécules d'arôme présentant par exemple la note de rose, utile pour l'alimentaire ou le cosmétique.

«Le marché des molécules d'arômes naturels est actuellement restreint», admet le chercheur. «Mais la demande est croissante pour l'alimentation, les boissons, la pharmacie, et éventuellement les cosmétiques».

«Actuellement, reconnaît-il, la productivité est faible, et le coût reste donc important». Mais une dizaine d'industriels européens, leaders des secteurs des arômes et des levures (Givaudan, IFF, DSM, Lallemand, Sarco-Laffort...) se pressaient au colloque Bioflavour.