Le satellite français Microscope a confirmé la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein «avec une précision inégalée», selon les premiers résultats de cette mission en cours qui aimerait trouver une brèche dans le principe fondateur de cette théorie.

Pour l'instant, le microsatellite, lancé en avril 2016, n'est pas parvenu à prendre mettre en défaut la théorie de l'immense physicien élaborée il y a un siècle.

Les premiers résultats «démontrent avec une précision inégalée» que les corps tombent dans le vide avec la même accélération, a annoncé lundi le CNES, l'agence spatiale française.

Expédié à 710 km de la Terre, Microscope (MICROSatellite à trainée compensée pour l'observation du principe d'équivalence) est chargé de tester dans le vide et dans l'espace l'universalité de la chute libre, en visant une précision 100 fois meilleure que sur la Terre.

Le savant toscan Galilée a établi dès le début du XVIIe siècle que tous les corps (plume ou plomb), quelle que soit leur masse ou leur composition, tombent de la même façon dans le champ de gravité de la Terre, s'il n'y a pas de frottement dû à l'air.

L'universalité de la chute libre peut être vue comme signifiant l'«équivalence» entre la force gravitationnelle et les «forces d'inertie» apparaissant par exemple dans une situation d'accélération.

Albert Einstein a fait du principe d'équivalence entre gravitation et accélération le pilier de sa théorie de la relativité générale. Sa théorie décrit la gravitation comme une courbure de l'espace-temps déformé par la matière.

Sur Terre, le principe d'équivalence a été vérifié avec un degré de précision relative de l'ordre de la 13e décimale.

L'objectif de la mission Microscope, qui doit durer jusqu'à fin 2018, est d'aller jusqu'à la 15e décimale.

«Dix fois mieux»

Lundi, les chercheurs ont publié dans la revue Physical Review Letters les premiers résultats basés sur l'analyse de 10 % des données déjà recueillies par le satellite, dont l'instrument a réussi à atteindre une précision à la 14e décimale.

«En termes de précision, on fait déjà dix fois mieux que les meilleures expériences sur Terre ayant testé le principe d'équivalence», déclare à l'AFP Pierre-Yves Guidotti, chef de projet d'exploitation de Microscope au CNES.

Le microsatellite de 300 kg emporte un instrument qui comporte deux masses cylindriques de composition différente (l'une en platine, l'autre en titane), emboitées l'une dans l'autre et protégées de toute interférence extérieure.

Le test vise à mesurer la position relative des deux masses avec des accéléromètres différentiels mis au point par l'Onera (Office national d'études et de recherches aérospatiales).

Depuis le début de l'expérience, les deux masses en orbite ont déjà réalisé l'équivalent d'une chute de 85 millions de km, la moitié de la distance Terre-Soleil.

«Si le principe d'équivalence est vrai, ces deux corps ne doivent pas bouger l'un par rapport à l'autre, car ils tombent avec la même accélération», explique à l'AFP le physicien Thibault Damour, professeur à l'IHES (Institut des hautes études scientifiques) et l'un des auteurs de l'article.

En revanche, s'ils «bougent» l'un par rapport à l'autre, alors cela signifierait qu'il y une violation du principe d'équivalence.

«Là, on n'a rien vu. C'est une bonne nouvelle en ce sens que cela dit que la théorie d'Einstein est encore plus vraie qu'on ne le pensait», souligne Thibault Damour.

«Mais pour les théoriciens de la physique, dont je fais partie, cela aurait été encore plus excitant de trouver quelque chose de nouveau», relève-t-il.

Les théoriciens essaient de concilier et d'unifier la théorie de la relativité générale, décrivant les forces à l'oeuvre dans l'Univers, avec la théorie quantique des champs, autre grande théorie du XXe siècle, qui décrit le monde des particules et de l'infiniment petit.

Pour Pierre Touboul, de l'Onera, responsable scientifique de la mission, «le premier résultat de Microscope a une portée mondiale et va certainement déboucher sur la révision des théories alternatives à la relativité générale».