La Russie a perdu le contact mardi avec un satellite lancé quelques heures plus tôt depuis son cosmodrome de Vostotchny dans l'Extrême-Orient, un revers particulièrement humiliant tant cette nouvelle base symbolise ses ambitions spatiales renouées.

L'agence spatiale russe, Roskosmos, a annoncé avoir perdu toute communication avec le satellite météorologique Meteor, qui avait décollé sans difficulté à 14h41 locales (5h41 GMT) porté par une fusée Soyouz, mais qui n'a pas réussi à atteindre l'orbite prévue.

La fusée Soyouz 2.1B transportait également 18 charges utiles appartenant à des institutions ou des entreprises du Canada, des États-Unis, du Japon, d'Allemagne, de Suède et de Norvège.

Roskosmos a indiqué analyser les causes possibles de la perte du satellite. « Toutes les phases initiales du vol de la fusée se sont déroulées selon le plan », a indiqué l'agence dans un communiqué.

« Il y a pu avoir une erreur d'orientation des propulseurs, par exemple logicielle, ou une défaillance technique. Dans tous les cas, le système de propulsion n'a pas fonctionné correctement », a expliqué à l'AFP l'expert Vadim Loukachevitch, auteur de plusieurs ouvrages sur l'espace.

Cette perte constitue un échec embarrassant pour le nouveau cosmodrome de Vostotchny, un projet au coût gigantesque destiné à réduire la dépendance de la Russie à l'égard de la légendaire base de Baïkonour, dans les steppes du Kazakhstan, et qui devait marquer la renaissance d'une industrie humiliée par plusieurs revers retentissants ces dernières années.

Le premier décollage depuis la base de Vostotchny s'était déroulé le 28 avril 2016, avec déjà un retard de 24 heures sur le calendrier initial après une première tentative avortée.

Le lancement avait dû être annulé in extremis lors de la première tentative en raison du dysfonctionnement d'un câble, suscitant la colère de Vladimir Poutine, qui avait réprimandé les responsables du secteur, le vice-premier ministre Dmitri Rogozine et le chef de Roskosmos, Igor Komarov, et limogé plusieurs responsables du secteur.

Retards et corruption

Décidée en 2007 par Vladimir Poutine et débutée en 2012, la construction du cosmodrome de Vostotchny a été qualifiée de « plus grand chantier du pays » par les médias russes et a coûté 300 à 400 milliards de roubles (4 à 5,3 milliards d'euros).

Le chantier a été émaillé de multiples affaires de corruption et la justice russe a ouvert des dizaines d'enquêtes pour détournement de fonds.

Le premier pas de tir, destiné aux vaisseaux Soyouz, n'a été achevé que début 2016 et le premier décollage pour le deuxième pas de tir, qui lancera les futures fusées Angara, destinées à remplacer les vieillissantes fusées Proton, n'est pas prévu avant 2021.

M. Rogozine a déclaré mardi, avant l'incident, que le troisième pas de tir de Vostotchny serait construit d'ici 2028, assurant que les erreurs faites lors de la construction du cosmodrome ne seraient pas répétées.

Un troisième lancement depuis le cosmodrome de Vostotchny est en théorie prévu le 22 décembre prochain.

Les ambitions spatiales russes ne semblent pas perturbées par les déconvenues du secteur, Roskosmos ayant annoncé en septembre s'être joint au projet américain de création d'une station orbitale autour de la Lune, alors que Moscou prévoit d'ores et déjà d'y construire une base scientifique et d'effectuer ses premiers vols lunaires d'ici 2031.

Le secteur spatial russe a pourtant connu en 2015 et 2016 une vague de revers retentissants tels que la perte d'un vaisseau cargo Progress devant ravitailler la Station spatiale internationale, la défaillance d'un lanceur Proton ou encore la découverte de défauts sur la plupart des moteurs produits pour les fusées devant placer en orbite des satellites.

Ces échecs en série sont dus, selon l'expert Vadim Loukachevitch, à la disparition de la culture soviétique de contrôle de la qualité de la production spatiale, notamment depuis la restructuration du secteur il y a quelques années.

« Le secteur était autrefois dirigé par des spécialistes expérimentés. Aujourd'hui, c'est un complexe militaro-industriel » mené par des responsables politiques et des hommes d'affaires issus du privé, explique-t-il, regrettant une industrie spatiale russe « en stagnation », qui « parle beaucoup et fait peu ».