C'est la plus grande machine à scruter le ciel jamais construite par l'homme. Elle fouillera le cosmos avec une sensibilité inégalée, se tenant notamment à l'affût de signaux provenant de civilisations extraterrestres. Et elle marque les ambitions de la Chine dans le domaine scientifique. FAST, le plus grand radiotélescope du monde, vient d'être achevé au milieu des montagnes chinoises. Autopsie d'un géant.

500 m de diamètre

Dimanche dernier, au milieu d'un cratère naturel entouré de montagnes dans la province du Guizhou, des travailleurs chinois ont fixé le dernier des 4450 panneaux mobiles formant l'immense coupole de FAST - un acronyme pour Five-hundred-meter Aperture Spherical Telescope. Le résultat est le plus gros télescope jamais construit par l'homme.

« Ça crée beaucoup d'excitation, confirme Ingrid Stairs, professeure au département de physique et d'astronomie de l'Université de la Colombie-Britannique. C'est tout un instrument, nous avons tous très hâte de voir ce qu'il va permettre de faire. »

Avec un diamètre de 500 m, FAST surpasse le radiotélescope d'Arecibo, à Porto Rico, qui détenait le record mondial avec une coupole de 300 m. Plus la surface d'un télescope est grande, plus sa sensibilité est élevée. La surface de FAST équivaut à près de 30 terrains de soccer. Le temps de faire des réglages et le télescope devrait entrer en fonction en septembre.

Extraterrestres et pulsars

Comme leur nom l'indique, les radiotélescopes détectent les ondes radio. Ces ondes invisibles, aux longueurs d'onde élevées, sont émises par les planètes, les étoiles, les pulsars... et aussi, qui sait, par d'éventuelles civilisations extraterrestres. La recherche de tels signaux a été soulignée à grands traits lors du dévoilement du télescope.

« On en parle beaucoup. Je crois que la plupart des scientifiques ne voient pas cette quête comme la raison principale de construire le télescope, mais on y prêtera attention quand on analysera les données », dit la professeure Ingrid Stairs.

FAST captera notamment les ondes émises par l'hydrogène, le premier élément qui s'est formé dans l'univers, afin de mieux comprendre l'évolution du cosmos. On espère aussi découvrir de nouveaux pulsars, ces étoiles à neutrons qui tournent en émettant des radiations électromagnétiques.

Ondes gravitationnelles

Ingrid Stairs fait quant à elle partie d'une collaboration internationale, appelée NANOGrav, qui espère tirer profit de FAST pour détecter un autre type de phénomène : les ondes gravitationnelles. Prédites par Albert Einstein il y a un siècle, ces ondes secouent l'espace-temps lui-même. L'automne dernier, des détecteurs spéciaux ont réussi à les capter pour la première fois. Mais la chercheuse espère cette fois que FAST, en combinaison avec les autres radiotélescopes de la planète, permettra de détecter des ondes gravitationnelles qui durent des années plutôt que des millisecondes. Ces vagues géantes seraient causées par des trous noirs super massifs tournant l'un autour de l'autre.

« L'idée est de regarder un grand nombre de pulsars. Si on détecte un retard ou une avance dans les ondes émises par tous les pulsars en même temps, cela peut indiquer qu'une onde gravitationnelle passe près de la Terre », explique Mme Stairs.

Les ambitions chinoises

La construction de FAST n'est que l'un des signes d'un phénomène aujourd'hui impossible à nier : la Chine se dote d'infrastructures scientifiques de calibre mondial à un rythme effréné. Détecteur de neutrinos creusé à 700 m sous le sol, usine de clonage, navire de recherche océanique à la fine pointe : c'est sans compter la station spatiale que la Chine veut construire. Des doutes ont plané à ce sujet, mais le gouvernement chinois a assuré que le télescope FAST sera mis à la disposition des chercheurs du monde entier.

« Il est clair que nous allons essayer d'obtenir du temps d'observation, probablement au sein d'une collaboration internationale, car tout le monde va vouloir en avoir », dit Ingrid Stairs.

Photo Reuters/China Daily

Dimanche dernier, des travailleurs chinois ont fixé le dernier des panneaux mobiles formant l’immense coupole de FAST.

Photo archives Agence France-Presse

FAST en construction, à la fin du mois de juillet 2015.