Le congrès annuel de l'Association francophone pour le savoir (Acfas) bat son plein cette semaine à Rimouski. Avec 3500 congressistes de 33 pays, l'événement est le plus important du genre dans le monde francophone. La Presse en a profité pour discuter des enjeux scientifiques du Québec avec le scientifique en chef de la province et président d'honneur du congrès, Rémi Quirion.

Q Que représente le congrès de l'Acfas pour vous?

R Mes toutes premières présentations scientifiques ont été à un congrès de l'ACFAS à Trois-Rivières, il doit bien y avoir deux siècles et demi (rires). Il y a des milliers de congrès scientifiques en anglais, mais en avoir un gros en français, c'est crucial. Il y a des subtilités associées à une langue, et lorsqu'on peut faire des présentations dans sa langue, particulièrement dans des domaines comme les sciences humaines ou sociales ou les sciences cognitives, c'est important.

Q Quelle est la place de la science au Québec en période d'austérité?

R Pour moi, l'importance est d'augmenter les budgets pérennisés de nos trois fonds de recherche (nature et technologie, santé, société et cultures). Ces augmentations n'ont pas eu lieu au cours des dernières années, mais nous n'avons pas eu de coupes non plus, contrairement à bien d'autres. J'espère qu'à partir de l'an prochain, si on réussit à atteindre le déficit zéro, on va recommencer à investir en recherche et innovation. Je sais que les demandes vont venir de partout. Mais si on pense à la société qu'on veut avoir en 2025, c'est probablement plus avec notre matière grise qu'avec notre pétrole qu'on va se démarquer.

Q Depuis votre nomination en 2012, on ne vous a pas vu prendre position sur des enjeux comme la fin du questionnaire long du recensement, la menace de fermeture de l'Observatoire du Mont-Mégantic, la présence de pipelines au Québec, le forage pétrolier... Pourquoi?

R Mon rôle est de donner des avis - certains sont publics, d'autres sont privés. Dans toute l'histoire des droits de scolarité, par exemple, je suis intervenu. Dans le dossier des frais indirects de recherche, on se bat avec Ottawa depuis longtemps. Récemment, je suis intervenu publiquement pour défendre l'efficacité des vaccins et la réalité des changements climatiques.

Q Qu'est-ce que cette histoire de frais indirects de recherche?

R Disons qu'un chercheur reçoit une bourse 100 000$. Il y a d'autres frais - chauffage, électricité, entretien - qui ne sont pas directement associés au projet, mais qui doivent aussi être payés par quelqu'un. Le gouvernement fédéral paie actuellement entre 18 et 20% de frais indirects. Donc, si le chercheur reçoit 100 000$, l'établissement où il travaille reçoit 20 000$. Or, les études montrent qu'aujourd'hui, pour 1$ qu'on reçoit en direct, on devrait avoir entre 40 et 42 cents en indirect.

Q Le grand public vous connaît peu. Ne voulez-vous pas jouer un rôle plus public?

R C'est l'un des volets de mon mandat. Mais je dois dire que ç'a pris beaucoup de temps à mettre en place ce qu'on a maintenant, avec les trois fonds de recherche. Depuis trois ans et demi, j'ai travaillé sous cinq ministres et vécu quatre réorganisations ministérielles. Aussitôt que tu commences à avoir des liens et à développer des choses, tu dois recommencer. J'ai commencé avec le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation. Puis on a tout renversé et c'est devenu Enseignement supérieur, Science et Technologie. On a changé pour le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science, et on a dissocié l'Innovation, qu'on a envoyée avec l'Économie. Puis on refusionne Éducation avec Enseignement supérieur... Chaque fois qu'on a une réorganisation, on perd plusieurs mois, moi comme tout le monde. Ça fait qu'on n'a pas développé aussi rapidement.

Il y a aussi le fait que s'il y avait eu des augmentations importantes de budgets, il y a plein de projets qu'on avait - des recherches sur le vieillissement de la population, sur les changements climatiques et le développement durable, en entrepreneuriat... Tout ça est en attente, malheureusement.

Quand la dépression frappe les femmes

Environ 14% des Canadiennes vivront une dépression dans leur vie, contre 11% des hommes. Pourquoi? C'est la question que veut éclaircir Jonathan Bilodeau, candidat au doctorat en sociologie à l'Université de Montréal, en scrutant la vie de pas moins de 1935 travailleurs québécois. Dans des résultats préliminaires dévoilés hier au congrès de l'ACFAS, M. Bilodeau a révélé que les femmes sont davantage touchées par les problèmes de conciliation travail-famille, qui peuvent mener à la dépression. Les données montrent aussi qu'elles sont plus vulnérables à la pression psychologique vécue au travail. Une théorie veut aussi que les femmes intériorisent leur détresse, causant la dépression, alors que les hommes l'extériorisent, ce qui entraînerait plutôt des comportements comme l'alcoolisme. M. Bilodeau veut maintenant vérifier la validité de cette hypothèse.