Une étude française relance le débat sur les semences génétiquement modifiées. Elle conclut que le maïs transgénique augmente la prévalence du cancer chez les rats.

L'étude, publiée mercredi dans la revue Food and Chemical Toxicology, a pour auteur principal Gilles-Éric Séralini, un biologiste de l'Université de Caen qui fait depuis dix ans plusieurs études visant à démontrer la toxicité des OGM. M. Séralini est président du conseil scientifique du Centre de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), une ONG regroupant des chercheurs et des environnementalistes qui a notamment pour objectif «la mise en oeuvre de la levée du secret sur les manipulations du génie génétique et sur les cultures d'OGM susceptibles d'avoir un impact sur l'environnement ou la santé» et «le développement de méthodes ne favorisant pas la pollution génétique».

Les chercheurs ont suivi 200 rats pendant deux ans, ce qui correspond à leur espérance de vie normale. Ils ont observé que les rats nourris à la moulée contenant du maïs génétiquement modifié (GM) ne présentaient pas plus de tumeurs que les autres jusqu'à l'âge de quatre mois. Mais par la suite, leurs tumeurs étaient de plus en plus grosses comparativement à celles des rats nourris à la moulée sans OGM. L'an dernier, M. Séralini avait publié dans la revue Environmental Sciences Europe un article où il déplorait que la plupart des études sur la toxicité des OGM n'aient pas duré plus de trois mois.

Méthodologie critiquée

Le Centre canadien science et médias, à Ottawa, a envoyé à La Presse des commentaires, tous négatifs, du Science Media Centre de Londres. Outre des faiblesses méthodologiques et des erreurs et omissions dans les données présentées, les experts cités par le centre londonien soulignent que l'étude ne comportait pas assez de cobayes, que ce type de rats est très susceptible d'avoir des tumeurs, que les rats de laboratoire sont généralement nourris à la moulée GM sans problème apparent et que si les OGM étaient aussi toxiques, des effets auraient dû être observés dans des études de plus courte durée. Ottoline Leyser, généticienne à l'Université de Cambridge, note pour sa part que l'étude attribue les effets délétères pour les rats aux résidus dans le maïs d'herbicide Roundup et elle se limite à avancer que la modification génétique rendant le maïs résistant à cet insecticide pourrait également susciter des tumeurs chez les rats.

Rencontré au Congrès mondial des agronomes, mercredi à Québec, le président de l'Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, n'a pas voulu commenter l'étude parce qu'il n'en avait pas pris connaissance. Même chose pour Michel Saint-Pierre, le président du Congrès, qui a été sous-ministre au ministère québécois de l'Agriculture entre 2004 et 2008.

Au gouvernement d'agir

«Ce que ça dit, c'est qu'il faut remettre en question le système d'homologation des OGM, qui est inadéquat», a pour sa part déclaré Christine Gingras, agronome de Nature Québec et Vigilance OGM, également présente au Congrès. «Ce sont les compagnies qui sont responsables de faire les analyses d'impact, qui seraient faites sur un temps trop court. Est-ce qu'on peut se fier aux compagnies pour assurer la santé et la sécurité de la population? C'est plutôt le rôle du gouvernement.»

En 2007, M. Séralini avait publié dans la revue Archives of Environmental Contamination and Toxicology une nouvelle analyse statistique de données de l'entreprise Monsanto, qui concluait qu'un certain type de maïs GM causait des problèmes de rein et de foie chez les rats. Cette étude avait été financée par Greenpeace Allemagne, qui avait gagné en 2005 un procès visant à forcer Monsanto à dévoiler ses études de toxicité, qui étaient jusqu'alors présentées sous le sceau du secret aux autorités réglementaires. L'Autorité européenne de sécurité des aliments avait alors affirmé que M. Séralini avait erré dans ses choix statistiques et que ses observations n'avaient pas de conséquences biologiques.

- Avec Marie Allard