Depuis cinq ou six ans, une ONG belge a lancé des centaines de rats dans les champs de mines du tiers-monde. Trop légers pour activer les capteurs des mines, ces rats géants, dressés comme des chiens de Pavlov, ont un odorat très fin qui leur permet de détecter 95% des mines.

Une douzaine de pays africains font maintenant appel à Apopo, acronyme flamand qui signifie «Organisation pour la conception de produits contre les mines», pour des projets de déminage. Les rats sont attachés à un fil long de 10 m tendu au- dessus d'un champ de mines. Ils se déplacent le long du fil et s'arrêtent pour renifler quand ils sentent l'odeur des explosifs. Si le rat s'arrête suffisamment longtemps, cela signifie qu'une mine se trouve à cet endroit. Il reçoit alors une récompense sous forme de nourriture, habituellement une banane. Un rat peut déminer une surface de 100m2 en une journée.

Apopo est née il y a 15 ans au cours d'une conférence humanitaire sur les mines à Édimbourg. «Quand j'étais enfant, mes parents ont accueilli plusieurs étudiants africains», explique le fondateur d'Apopo, Bart Weetjens, joint en Tanzanie. «J'ai étudié en design et je me suis intéressé aux technologies de l'agriculture de subsistance. J'ai vite vu que les mines antipersonnel étaient l'un des problèmes les plus criants. Les programmes de déminage des années 90 coûtaient très cher parce que les technologies, tout récemment adaptées du domaine militaire, étaient très complexes. Je voulais trouver une manière de permettre aux agriculteurs de participer eux-mêmes au déminage quand j'ai rencontré, dans une conférence sur le déminage à Édimbourg, un designer industriel qui m'a parlé de travaux nord-américains sur l'utilisation de rats pour détecter les mines.»

Le designer en question, Inne ten Have, Néerlandais devenu webmestre d'Apopo, était tombé sur ces recherches en travaillant à un concours sur le déminage économique. «J'avais commencé à collaborer avec des ONG qui s'occupaient de déminage après avoir eu par hasard un contrat pour concevoir des prothèses pour les victimes de mines au Cambodge» raconte M. ten Have, joint à Rotterdam.

Rapidement, M. Weetjens a quitté son emploi de designer pour une firme d'autobus et a joint un biologiste spécialiste des rats de l'Université d'Anvers, qui lui a suggéré une espèce géante africaine qui peut peser jusqu'à 1,5 kg. En 1998, ils ont obtenu du financement pour des essais. «Au début, nous prenions des rats sauvages, mais ils se battaient entre eux. Il n'était pas possible de les dresser. Nous avons donc fait de la reproduction en captivité. Au bout de quelques générations, le dressage a été possible. C'est assez ironique qu'on puisse faire cette tâche si importante avec les rats géants, jusque-là surtout considérés comme une nuisance parce qu'ils s'attaquent aux récoltes.»

Les travaux canadiens que M. ten Have avait découverts remontaient aux années 70. L'auteur, Gerald Biederman, de l'Université de Toronto, avait dressé les rats à reconnaître les explosifs à l'aide de décharges électriques. Les rats géants peuvent être dressés comme des chiens de Pavlov parce qu'ils ont l'habitude d'enterrer leurs provisions, qu'ils retrouvent à l'odorat.

Après d'autres essais, notamment avec l'armée tanzanienne, les premiers essais sur le terrain ont eu lieu au Mozambique. Depuis 2007, les rats géants d'Apopo sont opérationnels. M. Weetjens veut maintenant les utiliser pour détecter les tuberculeux sans tests de laboratoire. «Nous faisons des essais en Angola et en Thaïlande, c'est très prometteur», dit le fondateur d'Apopo.

Vidéo: https://www.herorat.org/media/heroes-action