Des chercheurs ont observé pour la première fois directement la transformation d'une particule «caméléon», le neutrino, en neutrino tau, au Laboratoire du Gran Sasso près de Rome, apportant une des pièces manquantes au puzzle de la physique, a annoncé lundi le CERN de Genève.

Un milliard de fois plus nombreux dans l'univers que chacun des constituants des atomes (électrons, protons, neutrons), les neutrinos, particules élémentaires qui interagissent très peu avec la matière, jouent les passe-muraille et restent très difficiles à détecter. La particule fantôme intrigue les physiciens depuis les années 60, quand l'Américain Ray Davies (prix Nobel) observe que beaucoup moins de neutrinos parviennent du Soleil à la Terre que ne le calculent les modèles: que se passe-t-il en chemin?

Plusieurs expériences ont depuis constaté la disparition des neutrinos dits muons, sans pour autant observer directement leur oscillation ou transformation en une autre forme ou «saveur» au fil de leur trajectoire.

Le neutrino de type tau détecté au Laboratoire souterrain du Gran Sasso provient de la transformation d'un des très nombreux neutrinos de type muon envoyés dans le faisceau CNGS du CERN à partir de Genève, précise le communiqué du CERN.

Pour parvenir à cette observation, les accélérateurs du CERN ont produit depuis plus de 3 ans des milliards de milliards de neutrinos de type muons.

Le détecteur OPERA est constitué d'environ 150 000 unités appelées briques, équivalent chacune à un appareil photo sophistiqué, capables de détecter tous les détails d'un événement neutrino.

L'observation d'oscillations de neutrinos est un élément capital pour la physique, car pour osciller, ces particules doivent avoir une masse. Or, le «Modèle Standard» utilisé par les physiciens pour expliquer le comportement des particules fondamentales de la matière stipule que les neutrinos n'ont pas de masse.

«L'existence d'un modèle qui pourrait expliquer pourquoi le neutrino est si petit, sans s'évanouir, aura de profondes implications pour la compréhension de notre univers - comment il était, comment il a évolué, et comment éventuellement il mourra. Tous ces résultats sont interconnectés», a commenté auprès de l'AFP Antonio Ereditato, physicien à l'Institut national de physique nucléaire italien.

Plusieurs laboratoires, en premier lieu ceux du Gran Sasso et du Cern et de nombreux pays (Italie, Japon, France, Allemagne, Belgique, Suisse) participent à OPERA.