Vilipendée par les militants de la lutte anti-sida depuis des années, notamment pour sa position contre l'usage de préservatifs, l'Église catholique participe sans complexe à la conférence mondiale sur le sida à Mexico, dans le deuxième pays catholique du monde.

L'Église mexicaine a particulièrement bien préparé le rendez-vous mondial pour faire face aux critiques qui fusent parmi les 22 000 participants à la conférence.

«Beaucoup de chrétiens voient le sida comme un châtiment contre l'immoralité», affirme Richard Eves, un chercheur australien et militant dans la lutte contre le sida, qui a étudié le cas de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. «Ils inscrivent le thème du sida dans un cadre moral, sans se préoccuper des causes sociologiques et médicales de la contagion, en réduisant le problème à un châtiment divin».

«Cette histoire du châtiment divin est une caricature de la position de l'Église», répond à l'AFP, Mgr Christophe Pierre, nonce apostolique au Mexique présent à l'inauguration de la Conférence. «L'église est très présente aux côtés des malades, et nous sommes favorables à la prévention par une meilleure éducation», ajoute-il.

À la veille de l'ouverture, le président de la conférence épiscopale mexicaine pour la pastorale sociale, l'évêque auxiliaire de Monterrey Gustavo Rodriguez Vega balayait une partie des critiques concernant l'attitude de l'Église.

«Il faut dénoncer publiquement les entreprises, les groupes, les communautés, les individus qui agissent contre les droits des personnes infectées par le VIH, y compris parmi notre communauté», a-t-il dit lors d'une conférence de presse, à l'issue de deux jours d'une réunion oecuménique consacrée au sida.

«La charité est pour tous, les hommes qui ont des relations avec les hommes, les travailleuses sexuelles, tous ont le droit à l'attention», ajoutait-il, dans un langage peu courant de la part de l'église mexicaine.

Lui même a participé pendant la Conférence à un débat sur «l'action de l'église catholique face à la pandémie du sida» .

La question des préservatifs, distribués en masse dans l'enceinte de la conférence, reste au centre du débat. Richard Eves enfonce le clou. Il rappelle le cas d'un archevêque qui a dit que le préservatif est «une membrane perméable qui n'est sûre que dans 50% des cas, une croyance qui a fini par s'imposer dans d'autres églises. En ce sens, conclut-il, la religion devient un obstacle à la prévention du sida».

Sans faire campagne contre, l'Église n'a pas changé sa posture sur l'usage du préservatif, même si des franciscains au Mexique acceptent son usage. « Si un jeune me demande s'il peut utiliser un préservatif, je lui réponds qu'il s'agit d'une affaire de conscience personnelle. Nous ne condamnons plus, mais nous ne le proposons pas comme une solution», dit à l'AFP Frère Roberto, venu depuis le Yucatan (sud-ouest) pour participer à la conférence.

«Il faut vivre sa sexualité avec un maximum de responsabilité. Cela ne se réduit pas à un problème de santé, mais au problème d'une personne humaine avec une dimension physique, morale et religieuse», dit Mgr Christophe Pierre.

Avant le Mexique, il a passé huit ans en Ouganda, où il revendique une action de l'Église, à base de principes de fidélité, d'abstinence et d'éducation, qui a permis de faire baisser sensiblement le taux de séropositivité dans ce pays d'Afrique de l'est.

Dans le même sens, le père Nicandro Lopez, de Guadalajara, venu de sa propre initiative pour la conférence, considère qu'«il n'y a rien de meilleur pour lutter contre la contagion que l'abstinence ou le sexe dans le cadre du mariage. Les relations sexuelles sans motif spirituel dénigre l'être humain», dit-il.

Il n'y aurait pas de problème, commente Gabriela Rodriguez, présidente de l'organisation civile mexicaine Afluentes, si la position de l'église se cantonnait dans la sphère privée, mais «les politiques finissent toujours par user de concepts religieux pour manipuler les gens».

Beaucoup d'experts à la conférence ont conclu que les positions des religieux restent ambiguës. Ils ont beaucoup progressé quant à l'assistance des malades du sida, mais encore peu face à la prévention, disent-il.

Pour eux l'utilisation des préservatifs aurait pu éviter de nombreuses victimes parmi les 24 millions de morts du sida enregistrés jusqu'à ce jour dans le monde.