Le cellulaire est interdit au volant, mais pas le télescope. Une douzaine de conducteurs ne peuvent plus s'en passer. Et ça n'a rien à voir avec les étoiles.

Pour la première fois de leur vie et avec l'aide d'une équipe de chercheurs rattachés à l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, une douzaine de personnes ayant un problème d'acuité visuelle ont pu obtenir un permis de conduire grâce à un télescope miniature fixé à leurs lunettes.

«Une bénédiction du ciel! lance Christian Gagnon, qui se décrit en riant comme l'un des premiers cobayes. Je ne pensais jamais pouvoir goûter à une telle autonomie. J'ai quatre enfants et je peux maintenant faire ma part pour les reconduire ici et là. Ma femme n'a plus à tout se taper.»

«Attention! Il n'est pas question ici d'aveugles au volant''», note Jean-Paul Lachance, un optométriste qui travaille au projet pilote présenté au congrès international Vision 2008 (en cours à Montréal jusqu'à vendredi).

Les 15 personnes sélectionnées, âgées de 26 à 44 ans, avaient une acuité visuelle variant entre 6 sur 60 et 6 sur 18 et souffraient de problèmes chroniques tels que l'albinisme, la myopie dégénérative ou de maladies les empêchant de distinguer les couleurs.

Comme le précise Annie Paquet, spécialiste en orientation et en mobilité de l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, l'idée est de se servir du télescope miniature, placé dans le haut des lunettes, comme d'une aide très ponctuelle. Un peu comme on doit le faire pour un angle mort, les personnes utilisant ce télescope doivent apprendre à n'y jeter qu'un coup d'oeil très furtif. Pour le reste, tout naturellement, l'oeil se pose dans les lunettes.

Parmi les 15 personnes sélectionnées, 12 ont pu obtenir un permis de conduire après avoir suivi une formation spécialisée entre 2001 et 2004. En ce qui concerne les trois autres, l'une a constaté que la conduite automobile n'était pas pour elle; une autre a échoué à l'examen de contrôle six mois plus tard parce qu'elle ne s'était pas suffisamment entraînée; la troisième a été forcée d'abandonner en raison d'un autre problème de santé.

Et les accidents? Et les infractions au Code de la sécurité routière? Les résultats d'une étude sur la question seront dévoilés sous peu, mais le suivi effectué jusqu'à maintenant démontre «que c'est comparable aux autres groupes de conducteurs», dit Mme Paquet.

M. Gagnon - qui travaille sur la route pour Bell et qui parcourt entre 400 et 500 kilomètres par semaine - n'a eu aucun accident avec son véhicule de fonction. En dehors du boulot, il en a eu deux : un accrochage lié à «une erreur de débutant» (une mauvaise anticipation de la voie qu'allait prendre un conducteur avec lequel il partageait la route) et une collision avec une chenillette. Dans ce deuxième cas, le responsable était le conducteur du petit véhicule de déneigement.

Et l'autobus? M. Gagnon ne l'a plus jamais pris, mais il assure avoir largement encouragé les transports en commun dans sa vie

Une fois que la Société de l'assurance automobile aura analysé les études et donné son aval, le groupe de chercheurs entend étendre l'expérience à 28 autres personnes de Montréal et de Québec.