Selon un habitant de Niamey, la population nigérienne serait largement favorable au nouveau régime du général Tiani

La vie n’a pas trop changé au Niger, depuis le coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum il y a un mois. Selon Moussa Djingarey, un réalisateur-producteur établi dans la capitale, Niamey, tout se déroule comme avant.

« Dans la rue, il n’y a aucun mouvement hors du commun. Pour l’instant, c’est relax. Les marchés sont ouverts. Les fonctionnaires partent travailler. Les gens vont et viennent sans souci. »

Le seul changement notable, dit-il, est l’augmentation des prix de l’essence et surtout de la nourriture, conséquence de la fermeture des frontières par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à titre de sanction contre le nouveau régime du général Abdourahamane Tiani.

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Des sacs de riz sont déchargés d’un camion au Grand Marché de Niamey, le 8 août. Les prix des produits alimentaires ont bondi depuis le coup d’État et les sanctions économiques imposées par la CEDEAO qui l’ont suivi.

« Le sac de riz est passé de 10 500 à 14 000 francs CFA [de 23 à 31 $ CAN] », résume Moussa Djingarey, à titre d’exemple. Certains médicaments sont aussi devenus introuvables, faute d’approvisionnement dans les pharmacies. Enfin, les liquidités se font plus rares et les machines distributrices limitent les retraits à 10 000 francs CFA (22 $ CAN) par jour.

Au-delà de cette relative normalité, le putsch du 26 juillet ne cesse d’alimenter les conversations, ajoute le réalisateur. Dans les fadas, lieux de socialisation de la jeunesse nigérienne, on suppute sur une possible intervention militaire de la CEDEAO, menace peu crédible selon plusieurs. On se questionne aussi sur les origines de ce coup de force inattendu, le premier au Niger depuis 2010.

« Contrairement à la fois précédente, celui-là, on ne l’avait pas pressenti, résume M. Djingarey. Il n’y avait pas vraiment de raison. C’était plus inattendu. »

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Des militaires français et nigériens se préparent pour une mission conjointe sur la base aérienne projetée française (BAP) de Niamey, le 14 mai.

Malgré la surprise, la population serait « à 80 % en faveur du nouveau régime », estime le réalisateur. Les raisons de cet appui seraient en grande partie attribuables au fait que le général Tiani n’est pas soumis à la France, contrairement à son prédécesseur. Il a entre autres manifesté son intention de renégocier la présence des 1500 militaires français cantonnés au Niger, qui est devenu, pour Paris, la nouvelle base de la lutte contre le djihadisme au Sahel, après l’échec des opérations Sabre, Serval et Barkhane dans la région.

Minée, la France

Il faut savoir qu’au Niger, comme au Mali, en Centrafrique ou au Burkina Faso, le sentiment antifrançais grandit de jour en jour, conséquence d’un puissant vent postcolonial.

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Le producteur et réalisateur nigérien Moussa Djingarey

Les gens pensent que la France a créé le terrorisme pour pouvoir justifier l’implantation de ses bases militaires et profiter des ressources minières du Niger. C’est ça qui a révolté la population. Et c’est ce qui crédibilise à ses yeux le coup d’État.

Moussa Djingarey, réalisateur et producteur de Niamey

Dimanche dernier, plusieurs milliers de personnes ont ainsi défilé à Niamey en soutien au nouvel homme fort du pays, qui avait annoncé la veille envisager une transition de trois ans maximum. Selon l’AFP, on pouvait voir ou entendre de nombreux slogans hostiles à la France et à la CEDEAO pendant la manifestation, tels que « Non aux sanctions », « Halte à l’intervention militaire ».

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Un militant brandit une pancarte aux propos sans équivoque quant à ses sentiments à l’égard de la France et de la CEDEAO, lors d’une manifestation à Niamey, le 20 août.

Il est vrai que la France a longtemps fait du Niger son principal fournisseur d’uranium naturel, afin de nourrir son industrie nucléaire, à la fois civile (électricité) et militaire. Mais sur la période 2005-2020, le pays n’était plus qu’en troisième position, contribuant pour seulement 19 % des approvisionnements français, loin derrière le Kazakhstan et l’Australie. Ce qui fait dire au journaliste Rémi Carayol, auteur du livre Le mirage sahélien, que l’uranium « n’est plus un facteur ni un enjeu ».

Ne pas mésestimer, du reste, l’importance de la région sur le long terme, alors que se poursuit la course mondiale au lithium, au coltan et autres terres rares. En mai, la minière espagnole Río Narcea Recursos a d’ailleurs annoncé son intention de prospecter l’ouest du Niger pour y chercher du lithium.

« L’Afrique va devenir un enjeu géostratégique de matières premières », prévoit Antoine Glaser, auteur du livre Le défi africain de Macron. Mais la France ne sera peut-être pas la première à en profiter…

Avec l’Agence France-Presse