(Jérusalem) L’armée israélienne se prépare ce mercredi à « tout scénario » au lendemain d’une frappe dans la banlieue de Beyrouth, fatale au numéro 2 du mouvement islamiste palestinien Hamas et ravivant les craintes d’une extension du conflit actuel dans la bande de Gaza.

Ce qu’il faut savoir

  • Une frappe israélienne dans une banlieue de Beyrouth a tué le numéro 2 de la branche politique du Hamas, Saleh al-Arouri.
  • L’armée israélienne se dit préparée « pour tout scénario » à la suite de cette attaque.
  • Le Hezbollah libanais promet que « ce crime ne restera pas sans riposte ou impuni ».

« Les forces israéliennes sont dans un état de préparation très élevé dans toutes les arènes, en défense et en attaque. Nous sommes hautement préparés pour tout scénario. La chose la plus importante à dire ce soir est que nous sommes concentrés et restons concentrés sur la lutte contre le Hamas », a déclaré, tard mardi, le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari.

Plus tôt, le Liban était secoué d’une vive onde de choc avec une frappe attribuée à Israël dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah pro-iranien, qui a tué Saleh al-Arouri, numéro 2 de la branche politique du Hamas, ainsi qu’au moins six autres de ses cadres.

« Un mouvement dont les leaders et les fondateurs tombent en martyrs pour la dignité de notre peuple et de notre nation ne sera jamais vaincu », a réagi Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, en dénonçant « une violation de la souveraineté du Liban » et une « expansion » de la guerre en cours dans la bande de Gaza.

PHOTO MOHAMMAD AUSTAZ, ASSOCIATED PRESS

Saleh al-Arouri et Ismaïl Haniyeh

Le Hezbollah libanais a prévenu dès mardi soir que « l’assassinat de Saleh al-Arouri » était non seulement une « grave agression contre le Liban », mais aussi « un sérieux développement dans la guerre entre l’ennemi et l’axe de la résistance », expression désignant l’Iran et ses alliés régionaux hostiles à Israël.

« Ce crime ne restera pas sans riposte ou impuni », a ajouté le Hezbollah, dont le secrétaire général, Hassan Nasrallah, doit prononcer ce mercredi soir un discours très attendu à l’heure où le premier ministre libanais Najib Mikati accuse Israël de « vouloir entraîner le Liban dans une nouvelle phase de confrontation ».

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas le 7 octobre, les tensions se multiplient à la frontière israélo-libanaise, en Syrie et en Irak où des bases américaines sont prises pour cible, et en mer Rouge avec des attaques des rebelles houthis, visant à freiner le trafic maritime international, en « soutien » à Gaza.

Dans ce contexte, le président français Emmanuel Macron a appelé Israël à « éviter toute attitude escalatoire, notamment au Liban », lors d’un entretien téléphonique avec le ministre israélien Benny Gantz, membre du cabinet de guerre du premier ministre Benyamin Nétanyahou.

Lors de cet entretien, Emmanuel Macron a réitéré son appel à « œuvrer à un cessez-le-feu durable » entre Israël et le Hamas et a fait part de « sa plus vive préoccupation face au très lourd bilan civil » dans la bande de Gaza, théâtre de raids aériens et de tirs d’artillerie continus depuis près de trois mois.

« Très difficile pour nous »

Le Hamas avait mené le 7 octobre une attaque d’une ampleur inédite sur le sol israélien, faisant environ 1140 morts, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes, et prenant environ 250 personnes en otage, dont plus de 100 avaient été libérées fin novembre lors d’une courte trêve.

En réaction à l’attaque sanglante, Israël a juré de « détruire » le mouvement islamiste palestinien, classé comme organisation terroriste par les États-Unis, Israël et l’Union européenne, et pilonne depuis la bande de Gaza.

La guerre a coûté la vie à 22 185 personnes à Gaza, majoritairement des femmes, des adolescents et des enfants, a annoncé mardi le Hamas, qui dirige le territoire depuis 2007.

Saleh al-Arouri, chef en exil du Hamas pour la Cisjordanie occupée, est le plus haut responsable du mouvement islamiste palestinien tué depuis le début de cette nouvelle guerre. Peu après l’annonce de sa mort, de nombreux Palestiniens se sont rassemblés dans les rues de Ramallah, en Cisjordanie occupée.

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Les partisans du Hamas palestinien dans la ville d’Hébron, en Cisjordanie occupée, protestent contre la frappe israélienne au Liban.

« La nouvelle du martyre de [Saleh al-Arouri] est très difficile pour nous, mais il ne vaut pas mieux que plus de 20 000 martyrs morts à Gaza », a dit sur place à l’AFP Diya Zaloum, un jeune manifestant.

« Taillés en pièces »

Malgré les demandes de cessez-le-feu pressantes de la communauté internationale, l’armée israélienne se prépare à des « combats prolongés », qui devraient durer « tout au long de l’année » dans la bande de Gaza.

« L’idée que nous pourrions nous arrêter bientôt est erronée. Sans une victoire claire, nous ne pourrons pas vivre au Proche-Orient », a renchéri le ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui a rendu visite mardi à des soldats – dont 173 sont morts dans la bande de Gaza.

Dans la nuit de mardi à mercredi (heure locale), le chef de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a « déploré » des frappes « inadmissibles » sur un hôpital de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, qui ont notamment endommagé des installations locales du Croissant-Rouge palestinien.

Les 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza – dont 85 % ont été déplacés par les bombardements et les combats selon l’ONU – font face à de graves pénuries de nourriture, d’eau, de carburant et de médicaments.

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De la fumée s’élève au-dessus de Khan Younès à partir de Rafah dans le sud de la bande de Gaza.

« Cela fait sept jours que je suis ici, je dors sous la pluie, sans tente, […] nous avons dû quémander des couvertures dans des appartements autour », soupire Wojoud Kamal al-Shinbary, qui a trouvé refuge à Rafah, ville à la pointe sud du territoire, jouxtant la frontière avec l’Égypte.

« Nous ne trouvons pas à manger, à boire, nous mourons de froid, j’ai un bébé et je n’arrive pas à lui trouver des couches, de l’eau et du lait en poudre », dit-elle. À Jabaliya, dans le nord de Gaza, Sajda Maarouf témoigne aussi de son enfer après des frappes locales : « Les bombes s’abattaient sur nous, des gens étaient taillés en pièces. […] Nous voulons une trêve, s’il vous plaît, nous sommes épuisés. »

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Des Palestiniens marchent dans le camp de réfugiés de Rafah.

Washington rejette des propos de ministres israéliens sur une « émigration » palestinienne de Gaza

Les États-Unis ont dit mardi « rejeter » des propos tenus par des ministres israéliens sur un retour de colons juifs à Gaza, après la guerre en cours, et visant à « encourager » la population palestinienne à émigrer.

« Les États-Unis rejettent les récentes déclarations des ministres israéliens Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir prônant la relocalisation des Palestiniens en dehors de Gaza », a déclaré dans un communiqué le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, qualifiant ces propos d’« irresponsables ».

Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a appelé lundi à un retour de colons juifs à Gaza et à « encourager » la population palestinienne à émigrer, au lendemain d’un appel similaire du ministre des Finances Bezalel Smotrich.

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Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir

« La promotion d’une solution encourageant l’émigration des habitants de Gaza est nécessaire. C’est une solution correcte, juste, morale, et humaine », a déclaré M. Ben Gvir lors d’une réunion de son parti, selon les propos qu’il a lui-même relayés sur les réseaux sociaux.

« J’en appelle au premier ministre et au ministre des Affaires étrangères, c’est l’occasion de mettre au point un projet visant à encourager l’émigration des habitants de Gaza vers d’autres pays du monde », a-t-il ajouté.

Il a affirmé que le départ de Palestiniens de la bande de Gaza ouvrirait aussi la voie au rétablissement de colonies juives dans le territoire palestinien.

« Ces propos sont incendiaires et irresponsables », a déclaré le porte-parole du département d’État, indiquant que « le gouvernement israélien, y compris le premier ministre Benyamin Nétanyahou, nous a dit à plusieurs reprises que ces déclarations ne reflétaient pas la position du gouvernement israélien ».

Les États-Unis estiment que « Gaza est une terre palestinienne et restera une terre palestinienne », a-t-il ajouté.

Le gouvernement de M. Nétanyahou, alliant des partis de droite, d’extrême droite et des formations juives ultra-orthodoxes, est déjà accusé d’avoir largement renforcé le poids des colons en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.

Agence France-Presse