Au moins 260 personnes ont été tuées lors d’un concert extérieur non loin de la bande de Gaza. Lundi, des proches de disparus tentaient d’accéder aux lieux du drame.

(Réïm (sud d’Israël)) « Je cherche mes amis qui ont disparu lors de la rave-party, s’il vous plaît, laissez-moi accéder aux lieux ! », supplie une femme d’allure bohème en s’adressant à un petit groupe de soldats israéliens armés jusqu’aux dents.

Depuis bientôt trois jours, Daniele est sans nouvelles de plusieurs de ses proches venus assister à un immense concert au kibboutz de Réïm, situé à moins de cinq kilomètres de la bande de Gaza. Aux premières heures de l’offensive du Hamas, samedi, des centaines de fêtards ont été surpris par les assaillants palestiniens. Au moins 260 d’entre eux auraient été abattus sur place. Des dizaines d’autres sont toujours portés disparus. Ils étaient plus de 3000 à assister à l’évènement, selon l’Associated Press.

Lundi matin, l’attente a fini par devenir insoutenable pour Daniele. La trentenaire a alors embarqué dans sa petite voiture et foncé en direction du site du rave, distant d’à peine un kilomètre du checkpoint où les soldats de Tsahal (l’armée israélienne) lui bloquent maintenant le passage. « Peut-être mes amis se cachent-ils encore dans la campagne, ou qu’ils sont blessés quelque part ? Je dois y aller, et tant pis pour le danger », tente-t-elle de se convaincre.

Océan de désolation

Le danger est bien réel, la zone de combats, toute proche. Non loin du checkpoint, trois camionnettes utilisées par les assaillants du Hamas gisent, criblées de balles, dans un fossé. Les corps de quatre combattants palestiniens se décomposent sous une pluie d’orage.

Une vingtaine de tanks de Tsahal se dirigent vers la frontière gazaouie en soulevant d’impressionnants nuages de poussière. L’artillerie israélienne tonne à intervalles réguliers. Des chasseurs vrombissent dans le ciel noir. Au loin, de gigantesques panaches de fumée s’élèvent de la bande de Gaza. Selon Tsahal, près de 2400 cibles auraient été bombardées à Gaza entre samedi et lundi matin.

PHOTO THÉOPHILE SIMON, COLLABORATION SPÉCIALE

Des chars israéliens manœuvrent en direction de la bande de Gaza dans un champ du kibboutz de Réïm, non loin du site du concert.

À force de négociations, Daniele finit par convaincre les soldats de l’escorter sur les lieux du drame. Une file de voitures calcinées jonche la route menant au site du concert. Sur place, parmi les vestiges d’un chapiteau mauve et d’une statue de bouddha érigés à l’occasion du festival, Daniele découvre un océan de désolation.

« Les corps ont été enlevés, je n’ai pas retrouvé mes amis. Tout ce qu’il reste, ce sont des objets personnels que les gens ont abandonnés dans leur fuite », témoigne-t-elle en quittant la zone, quelques heures plus tard.

Piège mortel

La scène de panique, captée sur les réseaux sociaux, a été apocalyptique. Après la première salve de roquettes, à l’aube, des combattants palestiniens ont fait irruption dans la zone en parapentes et en motos. Les assaillants étaient visiblement bien renseignés : le lieu précis de l’évènement n’a été communiqué aux participants que le jour même.

« Presque tout le monde était bourré, ou sous l’influence de drogues. On a commencé à courir vers les champs. Mais peu importe la direction vers laquelle on courait, les terroristes nous attendaient », a raconté sur l’internet Milet Ben Haim, l’une des participantes.

« Après presque trois heures à courir comme des fous, on a réalisé qu’il n’y avait pas d’échappatoire possible. Ils étaient partout. On a fini par se cacher derrière un arbre, dans des buissons. On s’est recouvert de feuilles. Les tirs continuaient. Les cris ‟Allah Akbar” aussi. »

J’ai écrit à ma famille que je les aimais, que j’étais heureuse d’avoir eu cette vie. Je ne pensais pas qu’on allait en ressortir vivants.

Milet Ben Haim, l’une des participantes au concert

Au terme d’une longue attente terrée dans un buisson, la jeune femme finira par être secourue par des soldats israéliens.

Enlèvements en série

Tous les festivaliers n’ont pas eu cette chance. Certains, comme Céline Naggar, une Franco-Israélienne de 31 ans, auraient été pris en otage et conduits vers la bande de Gaza.

« Elle était en route pour le concert avec deux amis, explique son frère Samuel. Leur voiture a été retrouvée criblée de balles et maculée de sang dans une bourgade toute proche de la frontière. Le téléphone du conducteur a borné à moins de 500 mètres de la frontière de Gaza. Ils ont probablement été emmenés là-bas. »

« Je ne veux même pas imaginer ce qu’ils peuvent désormais faire subir aux otages, poursuit-il. Ma sœur a un bébé de 6 mois, elle est innocente. Cette attaque est inhumaine. Le Hamas a commis un crime impardonnable. »

PHOTO FOURNIE PAR L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Un assaillant du Hamas parcourt le site du concert.

Au total, près de 150 Israéliens auraient été enlevés par le Hamas.

Était-il judicieux d’organiser un concert à un jet de pierre de l’enclave palestinienne, coutumière des accès de violence ? Pour Samuel, la question ne se pose pas. « Ce concert avait lieu très régulièrement, depuis des années. Il n’y a jamais eu de problème. Nous sommes une nation souveraine, dont les citoyens peuvent aller faire la fête où bon leur chante », conclut-il.

Depuis un demi-siècle, Israël était toujours resté maître de son territoire. Face à l’offensive la plus meurtrière de son histoire, le pays voit soudain vaciller ses certitudes.