(Jérusalem) Le Parlement israélien a adopté dans la nuit de lundi à mardi en première lecture une mesure clé de la réforme judiciaire controversée voulue par le gouvernement, après une pause dans la législation sous la pression d’un des plus importants mouvements de contestation de l’histoire d’Israël.

La mesure vise à annuler la possibilité pour le pouvoir judiciaire de se prononcer sur « le caractère raisonnable » des décisions du gouvernement.

Selon la coalition du premier ministre Benyamin Nétanyahou, rassemblant des partis de droite, d’extrême droite et religieux, il s’agit d’assurer un meilleur équilibre des pouvoirs. Ses détracteurs, eux, y voient une menace pour la démocratie israélienne et ses garde-fous institutionnels.

Le texte a été adopté en première lecture par 64 voix pour, correspondant aux députés de la coalition gouvernementale, lors d’une séance agitée. Les 56 députés de l’opposition ont tous voté contre.

Pendant les débats, des appariteurs ont dû sortir de force en les traînant par terre des manifestants qui s’étaient introduits dans le bâtiment de la Knesset et avaient réussi à s’approcher de la salle des débats, alors que plusieurs autres centaines d’opposants à la réforme manifestaient à l’extérieur du bâtiment.

Dans une vidéo mise en ligne sur Facebook pendant les débats, M. Nétanyahou s’est voulu rassurant en affirmant que le projet de loi « n’est pas la fin de la démocratie, mais qu’il renforcera la démocratie ».

« Les droits des tribunaux et des citoyens israéliens ne seront en aucun cas lésés […] La Cour continuera à contrôler la légalité des décisions et des nominations du gouvernement », a-t-il dit.

Mais le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, chef du parti centriste Yesh Atid, a fustigé le projet de loi dans un discours devant les députés.

« Vous aviez promis d’aider les faibles et de protéger la sécurité d’Israël […] vous ne faites rien d’autre que cette folie », a-t-il dit.

L’opposition a promis une journée de mobilisation nationale mardi contre le projet de loi, qui sera soumis à une deuxième et à une troisième lecture.

Annoncée peu après l’investiture du gouvernement de droite formé par M. Nétanyahou en début d’année, la réforme judiciaire, vise notamment à diminuer les prérogatives de la Cour suprême, que l’exécutif juge politisée. Ses détracteurs estiment que la réforme risque d’ouvrir la voie à une dérive illibérale ou autoritaire.

Fin mars, M. Nétanyahou avait décrété une pause dans le processus législatif pour permettre des discussions avec les partis d’opposition.

Mais fin juin, les deux principaux chefs de l’opposition, Yaïr Lapid et Benny Gantz, ont suspendu leur participation aux pourparlers.

Contestation

Selon un sondage publié dimanche par la chaîne publique Kan 11, 31 % des Israéliens sont en faveur de l’adoption de cette mesure contre 43 % qui s’y opposent

Samedi soir, plusieurs dizaines de milliers d’Israéliens se sont rassemblés pour protester contre ce projet de loi dans le centre de Tel-Aviv et dans d’autres villes israéliennes, pour la 27e semaine consécutive.

PHOTO OREN ALON, REUTERS

Samedi soir, plusieurs dizaines de milliers d’Israéliens se sont rassemblés pour protester contre ce projet de loi dans le centre de Tel-Aviv.

La mesure examinée par le Parlement « vise à empêcher le pouvoir judiciaire de critiquer des décisions du gouvernement qui ne tombent sous le coup d’aucune autre loi », a accusé l’un des manifestants, Amit Lev, 40 ans.

En janvier, M. Nétanyahou avait été contraint de démettre de ses fonctions le numéro deux du gouvernement Arié Dery, reconnu coupable de fraude fiscale après que la Cour suprême a estimé qu’il n’était pas « raisonnable » que M. Dery siège au gouvernement.

Pour M. Nétanyahou, les juges avaient alors fait fi de « la volonté du peuple ».

D’autres mesures de cette réforme sont dans le collimateur de l’opposition, comme celle dite « dérogatoire », qui vise à permettre au Parlement d’annuler à la majorité simple une décision de la Cour suprême.

Elle a été « abandonnée », a assuré fin juin M. Nétanyahou, dont le gouvernement a été formé fin décembre avec le soutien de partis d’extrême droite et de formations ultra-orthodoxes juives.

Une autre disposition hautement contestée de la réforme modifie le processus de nomination des juges a par contre déjà été adoptée par les députés en première lecture.

Ce projet de réforme suscite également des critiques à l’étranger.

Le président américain Joe Biden avait notamment appelé fin mars le premier ministre israélien à trouver un compromis.