Le gouvernement israélien, confronté à une dangereuse crise au sein de la majorité, demeure en place pour le moment après un compromis provisoire lundi sur la conscription des ultra-orthodoxes et la décision d'un ministre clé de rester à son poste.

L'avenir de la coalition sur laquelle repose le gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël demeure cependant des plus incertains, y compris à court terme.

Le sort de l'exécutif semble largement conditionné aux intérêts contradictoires des partis mais aussi des personnes, à commencer par le premier ministre Benyamin Nétanyahou. Ses adversaires et même certains de ses alliés le soupçonnent de manoeuvres motivées par la menace de son inculpation dans des affaires de corruption présumée.

La coalition était en proie depuis plusieurs jours à une crise remettant en cause son existence au bout de trois ans et qui a nourri les spéculations sur des élections anticipées avant l'échéance prévue de novembre 2019.

«S'il doit y avoir des élections, nous ferons campagne et nous ferons ce qu'il faut pour gagner, mais nous n'en sommes pas là», a dit M. Nétanyahou devant le Parlement lundi soir.

Les partis ultra-orthodoxes, représentant les juifs qui observent rigoureusement les règles de leur religion, ont menacé de ne pas voter dans les tout prochains jours le budget 2019 sans l'adoption d'une loi maintenant l'exemption de service militaire des étudiants des écoles talmudiques.

Ligne de fracture historique

Le ministre des Finances Moshe Kahlon a alors prévenu qu'il recommanderait à son parti de centre droit, Koulanou, de quitter le gouvernement si le budget n'était pas adopté d'ici à fin mars. Le ministre de la Défense Avigdor Lieberman, chef d'un autre parti de l'alliance gouvernementale et farouche adversaire de l'exemption, a également mis sa démission dans la balance.

Dans un pays habitué aux guerres, où l'armée est une institution centrale, l'exemption de conscription dont ont bénéficié des centaines de milliers d'étudiants des écoles talmudiques depuis la création d'Israël est un motif de ressentiment dans les autres groupes sociaux.

Cette exception est d'autant plus mal perçue que la communauté ultra-orthodoxe, qui représente aujourd'hui 10% de la population, pourrait en constituer le quart d'ici à 2050 en raison de sa fertilité, selon les projections.

Une décision de la Cour suprême, statuant en septembre 2017 que les ultra-orthodoxes devaient accomplir leur service comme les autres et donnant un an au gouvernement pour prendre des dispositions, a ranimé les tensions.

Toutefois, le caractère apparemment inattendu et aigu de la crise gouvernementale, la concomitance avec les enquêtes de police cernant le Premier ministre et l'instabilité chronique des coalitions en Israël ont nourri le soupçon que des motivations autres que les grands principes étaient à l'oeuvre.

Dans cette lecture des évènements, M. Nétanyahou pourrait avoir provoqué ou du moins laissé enfler la crise, peut-être même avec l'appui du ministre de la Défense. Il prendrait le pari risqué que des élections à une date proche renforceraient sa position s'il venait à être inculpé. Différents sondages indiquent en effet que les enquêtes n'ont pas affecté sa popularité pour le moment.

Combat «de l'intérieur»

À défaut d'élections, M. Nétanyahou pourrait tenter de profiter de la crise pour imposer à ses partenaires de s'engager à la solidarité gouvernementale jusqu'en novembre 2019, y compris s'il était inculpé.

M. Nétanyahou a assuré à plusieurs reprises vouloir que la mandature aille à son terme.

Lors d'une réunion dimanche soir, les partis ultra-orthodoxes ont fait un pas en avant et informé M. Nétanyahou qu'ils accepteraient de voter le budget si une loi d'exemption était approuvée, d'abord par un comité ministériel, puis en lecture préliminaire au Parlement, même si le vote final était reporté à l'été.

L'une de ces conditions a été remplie lundi avec l'approbation par le comité ministériel d'un texte appelé à être affiné ultérieurement.

Restait à savoir jusqu'où le ministre de la Défense, chef du parti nationaliste laïc Israël Beiteinou, se montrerait intransigeant.

«Il serait absurde d'attendre d'Israël Beiteinou qu'il soutienne cette loi. Tout ce qui s'est passé ces deux derniers jours relève selon moi du théâtre de l'absurde», a-t-il dit.

Mais la faute en incombe aux ultra-orthodoxes, a-t-il ajouté, et «nous ne sommes pas volontaires pour quitter le gouvernement». Son parti combattra le texte «de l'intérieur» aussi longtemps qu'il n'aura pas été adopté en troisième lecture par le Parlement, a-t-il promis, entretenant l'imprévisibilité de la situation.