Pas de répit judiciaire pour Benyamin Nétanyahou, même avant sa rencontre avec son «ami» Donald Trump: un proche collaborateur a accepté de témoigner dans l'une des enquêtes pour corruption présumée menaçant le long règne du premier ministre israélien.

La visite à Washington et à la Maison-Blanche aurait pu représenter une trêve bienvenue pour M. Nétanyahou, interrogé plusieurs heures vendredi, ainsi que sa femme Sara.

Mais le premier ministre a appris à Washington que Nir Hefetz, l'un de ses hommes de confiance, avait signé avec les enquêteurs un accord lui conférant le statut dit de «témoin d'État».

En échange, il bénéficierait de la mansuétude de la justice dans l'affaire dite Bezeq, du nom du plus important groupe israélien de télécommunications, ont rapporté les médias israéliens.

Nir Hefetz, ancien porte-parole de M. Nétanyahou lui-même, puis de sa famille jusqu'en 2017, ne serait pas jugé, n'irait pas en prison et ne paierait pas d'amende, ont indiqué les médias, qui ont présenté la nouvelle comme un possible tournant.

La chaîne de télévision publique Kan 11, citant des sources proches de M. Hefetz, a affirmé lundi soir que ce dernier avait confié à des proches que Nétanyahou «avait pris des décisions relatives à la sécurité (nationale) sous l'influence notable de membres de sa famille et de proches, en premier lieu son fils Yair».

«Ces commentaires attribués à Nir Hefetz (...) sont des sottises», a répliqué un porte-parole de M. Nétanyahou dans un communiqué.

M. Hefetz, arrêté le 18 février en même temps que six autres personnes dans l'affaire Bezeq, et libéré dimanche pour être placé en résidence surveillée, est présenté par la presse comme le dépositaire d'informations potentiellement très compromettantes pour l'incontournable premier ministre.

Soupçonné d'avoir joué les intermédiaires dans l'affaire Bezeq, M. Hefetz pourrait livrer des enregistrements de l'épouse du premier ministre, a écrit le quotidien Haaretz. Mais il pourrait aussi témoigner dans les autres investigations visant directement ou indirectement M. Nétanyahou, disent d'autres médias.

Trois témoins dangereux 

M. Nétanyahou a été questionné à huit reprises dans au moins six dossiers en cours.

S'il n'a été formellement mis en cause dans aucun, la police a recommandé le 13 février son inculpation dans deux d'entre eux.

Cette succession de coups durs remet en question l'avenir du premier ministre, au pouvoir depuis bientôt 12 ans au total et sans rival apparent.

Dans l'affaire Bezeq, la police cherche à savoir si les Nétanyahou ont cherché à s'assurer une couverture propice de la part du site d'information Walla en contrepartie de faveurs gouvernementales qui pourraient avoir rapporté des centaines de millions de dollars à Bezeq, selon la presse.

Walla est la propriété de Shaul Elovitch, principal actionnaire de Bezeq, arrêté et relâché en même temps que M. Hefetz.

Nir Hefetz est le troisième proche ou ancien proche du premier ministre à accepter de coopérer avec les enquêteurs dans différents dossiers, après Ari Harow, ancien directeur du bureau puis chef de cabinet de M. Nétanyahou jusqu'en 2015, et Shlomo Filber, ex-directeur général du ministère des Communications jusqu'en 2017.

M. Nétanyahou proclame son innocence sur tous les fronts, dénonce une «chasse aux sorcières» et affirme sa ferme intention de rester au pouvoir. 

«Il n'y a rien» 

«La course permanente aux témoins d'État (de la part des enquêteurs) constitue la meilleure preuve possible qu'il n'y a rien (dans le dossier) et qu'il n'y aura rien», a déclaré un collaborateur de M. Nétanyahou après l'accord passé par M. Hefetz.

Même s'il était inculpé, M. Nétanyahou ne serait pas légalement tenu de démissionner. L'enchaînement des mauvaises nouvelles a cependant suscité les spéculations sur la possibilité que M. Nétanyahou provoque des élections anticipées.

Ne semblant pas affecté dans les sondages, il pourrait faire le pari que des élections confirmeraient une fois de plus sa prédominance sur la scène politique, et qu'une victoire compliquerait son éviction. Pari risqué, tant cette période incertaine est porteuse de menaces qui pourraient changer la donne d'ici à ces élections.

Jusqu'alors, les chefs des partis de sa coalition, sur laquelle repose le gouvernement réputé le plus à droite de l'histoire d'Israël, sont restés solidaires en attendant son éventuelle inculpation.

Mais la coalition est depuis quelques jours sérieusement agitée par des turbulences. Les ultra-orthodoxes conditionnent leur approbation du budget du pays à une loi exemptant leurs électeurs du service militaire obligatoire, et se disent prêts à la rupture.

Dans cette perspective, la rencontre de M. Nétanyahou avec M. Trump devait lui permettre de se poser en meilleur garant de la sécurité et des intérêts israéliens, face à l'expansion iranienne notamment. Mais les ennuis domestiques risquent fort de jeter une ombre sur l'occasion.

AFP

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