Les États-Unis ont prévenu vendredi qu'ils revoyaient leurs liens avec l'UNESCO, qualifiant d'«affront à l'histoire» sa décision de déclarer la vieille ville de Hébron, en Cisjordanie occupée, «zone protégée» du patrimoine mondial.

L'ambassadrice américaine auprès des Nations unies Nikki Haley a affirmé que cette initiative «discrédite encore plus une agence onusienne déjà hautement discutable».

«Le vote d'aujourd'hui n'apporte rien de bon à personne et fait beaucoup de mal», a-t-elle ajouté dans un communiqué.

Les États-Unis ont arrêté de participer au financement de l'UNESCO en 2011 après que l'agence a admis les Palestiniens parmi ses États membres mais ils siègent toujours au Conseil exécutif de l'UNESCO, composé de 58 membres.

Après cette nouvelle décision, Nikki Haley a toutefois averti que «les États-Unis évaluent actuellement le niveau approprié de leur engagement continu au sein de l'UNESCO».

Le Comité du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, réuni vendredi à Cracovie (Pologne), a inscrit la vieille ville d'Hébron sur cette liste en tant que site «d'une valeur universelle exceptionnelle». Il a également placé cette ville située dans les Territoires palestiniens sur la liste du patrimoine en péril.

Haut lieu de tensions, Hébron abrite une population de 200 000 Palestiniens et de quelques centaines de colons israéliens, qui sont retranchés dans une enclave protégée par des soldats près du lieu saint que les juifs désignent sous le nom de tombeau des Patriarches et les musulmans mosquée d'Ibrahim.

Le premier ministre israélien Benyamin Néthanyahou a pour sa part qualifié de «délirante» la décision de l'UNESCO.

«Cette fois-ci, ils ont estimé que le tombeau des Patriarches à Hébron est un site palestinien, ce qui veut dire non juif, et que c'est un site en danger», a-t-il déclaré, annonçant dans la foulée une nouvelle coupe d'un million de dollars dans la contribution d'Israël au budget de l'ONU.

Les Palestiniens saluent un «succès»

L'Autorité palestinienne a qualifié de son côté de «succès» le vote de l'UNESCO déclarant la vieille ville de Hébron en Cisjordanie occupée, «zone protégée» en tant que site «d'une valeur universelle exceptionnelle en danger».

La question de l'inscription d'Hébron sur la liste du patrimoine mondial était l'enjeu d'un affrontement acerbe entre Israéliens et Palestiniens.

Ce vote est «un succès dans la bataille diplomatique menée par les Palestiniens sur tous les fronts face aux pressions israéliennes et américaines», s'est félicité le ministère des Affaires étrangères palestinien dans un communiqué.

De son côté, le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, a salué «une nouvelle affirmation de nos droits complets sur Hébron et sur toute la terre palestinienne», selon un communiqué de son porte-parole Hazem Qassem.

Douze membres du Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO réunis à Cracovie, en Pologne, ont voté pour l'inscription, six se sont abstenus et trois ont voté contre.

«Malgré une campagne israélienne frénétique qui a consisté à répandre des mensonges et à distordre les faits concernant les droits des Palestiniens, le monde a reconnu notre droit d'inscrire Hébron et la mosquée d'Ibrahim sous souveraineté palestinienne», a ajouté le ministère palestinien.

En revanche, le ministère israélien des Affaires étrangères a qualifié de «souillure morale» la décision de l'UNESCO, estimant qu'elle niait l'histoire juive de la cité.

«La décision de l'UNESCO sur Hébron et le tombeau des Patriarches est une souillure morale. Cette organisation sans importance promeut l'HISTOIRE FAUSSE. Honte à l'UNESCO», a écrit sur Twitter peu après le vote le porte-parole du ministère, Emmanuel Nahshon.

Hébron, haut lieu de tensions en Cisjordanie

Qu'est-ce que Hébron ?

Hébron est présentée comme l'une des plus vieilles villes du monde, datant de la période chalcolithique, soit plus de 3000 ans avant notre ère.

La ville, qui se trouve dans le sud de la Cisjordanie, a été conquise par les Romains, les juifs, les croisés, les Mamelouks et les Britanniques.

C'est de nos jours la ville la plus peuplée de Cisjordanie avec plus de 200 000 habitants palestiniens et quelques centaines de colons israéliens.

Elle a été ces dernières années le théâtre de multiples violences meurtrières israélo-palestiniennes.

Sur quoi porte la controverse ?

Hébron a été conquise et occupée par Israël comme toute la Cisjordanie 1967. Cette occupation n'a jamais été reconnue par la communauté internationale.

Un petit groupe de quelques centaines de colons se sont installés au centre de la ville protégée par des centaines de soldats. Une partie des rues de cette enclave est interdite d'accès aux Palestiniens.

Cette colonisation de même que toutes les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens sont considérées comme illégales par la communauté internationale.

Mais Israël dit que la présence juive dans la ville remonte à des milliers d'années.

Avant même la création de l'État d'Israël en 1948, à l'époque du mandat britannique sur la Palestine, une communauté juive vivait à Hébron avant d'être contrainte de partir après des attaques palestiniennes dont le meurtre de 67 juifs en 1929.

Caveau des Patriarches - Mosquée Ibrahim

Au centre de la dispute à Hébron : un lieu de culte important vénéré à la fois par les musulmans, qui l'appellent la mosquée d'Ibrahim, et les juifs, qui l'appellent le Caveau des patriarches.

Selon la Bible, le patriarche Abraham, père des trois religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam), a acheté un terrain à Hébron il y a 3700 ans afin d'y enterrer son épouse Sarah.

Abraham (Ibrahim pour les musulmans) aurait été inhumé à Hébron, comme son fils, le patriarche Isaac, son petit-fils Jacob, ainsi que leurs épouses, Rebecca et Léa.

Tout au long de l'Histoire, juifs et musulmans ont vénéré ce site dont l'édifice actuel remonte à l'époque du roi Hérode il y a 2000 ans.

À l'issue de la guerre israélo-arabe de 1967, le gouvernement israélien a rouvert le Caveau des Patriarches aux pèlerins juifs.

Depuis, ce lieu de culte a été coupé en deux, d'une part une mosquée, de l'autre une synagogue. C'est dans ce lieu de culte qu'un colon israélien a massacré 29 fidèles musulmans en prière, avant d'être lynché par des survivants.

Les Palestiniens dénoncent la présence importante de militaires israéliens dans la cité avec leurs nombreux points de contrôle.

Le vote

La question de l'inscription d'Hébron sur la liste du patrimoine mondial, proposée par les Palestiniens a été l'enjeu d'un affrontement acerbe avec les Israéliens.

L'UNESCO a déclaré la vieille ville d'Hébron, « zone protégée » du patrimoine mondial en tant que site « d'une valeur universelle exceptionnelle en danger ».

Les Palestiniens estiment que le site est menacé en raison d'une montée « alarmante » du vandalisme contre des propriétés palestiniennes dans la vieille ville, qu'ils attribuent aux colons.

Israël a dénoncé une « souillure morale » après la résolution qui qualifie la ville « d'islamique ».

En mai, Israël avait rejeté une résolution de l'UNESCO sur le statut de Jérusalem le présentant comme « puissance occupante », avant d'empêcher récemment des chercheurs de cette organisation d'effectuer une visite à Hébron.

Quel impact aura le vote ?

Les effets sur le terrain devraient être très limités dans la mesure où Israël maintiendra son contrôle militaire sur la ville.

Mais Alaa Chahine, de la municipalité de Hébron, a affirmé à l'AFP que ce vote pourrait encourager le tourisme en promouvant l'image de la vieille ville.

Il a ajouté que le vote de l'UNESCO pourrait en outre soutenir les efforts palestiniens pour permettre une réouverture totale du marché palestinien dans la vieille ville, dont une bonne partie est fermée par l'armée israélienne.