Le président palestinien Mahmoud Abbas et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou ont croisé le fer jeudi sur la colonisation israélienne en Cisjordanie devant l'Assemblée générale de l'ONU, sur fond d'impasse diplomatique au Proche-Orient.

Les deux dirigeants aux styles opposés -- ferme mais posés pour l'un, assuré et cinglant pour l'autre -- sont montés à la tribune à quelques minutes d'intervalle.

Ils n'étaient séparés sur la liste des orateurs que par la première ministre norvégienne Erna Solberg, une réminiscence ironique des accords d'Oslo qui avaient lancé un processus de paix désormais bloqué.

Mme Solberg en a profité pour les inviter à «appliquer les recommandations du Quartette» sur le Proche-Orient (États-Unis, Union européenne, ONU et Russie).

Celui-ci a exigé d'Israël qu'il cesse de coloniser et des Palestiniens qu'ils mettent fin à la violence, mais les deux camps ont critiqué ses conclusions.

Premier à s'exprimer, Mahmoud Abbas a fustigé l'accélération de la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, affirmant qu'elle allait tuer tout espoir d'une solution à deux Etats, Israël et un État palestinien coexistant en paix.

Les Nations unies fondent leurs espoirs d'un règlement du conflit sur cette solution et considèrent la colonisation comme un obstacle à la paix.

«Ce que le gouvernement israélien fait en poursuivant sa colonisation expansionniste détruira ce qu'il reste de possibilités d'appliquer la solution à deux Etats selon les frontières de 1967», a expliqué M. Abbas.

«Les colonies sont illégales dans tous leurs aspects», a-t-il martelé.

Les Palestiniens, a-t-il dit, vont poursuivre l'offensive diplomatique qu'ils ont lancée depuis que la Palestine est devenue État observateur aux Nations unies.

Ils vont en particulier s'efforcer de faire adopter au Conseil de sécurité une résolution condamnant la colonisation et les attaques «terroristes» des colons contre des familles palestiniennes.

«Nous sommes engagés en ce moment dans des consultations intensives avec des pays arabes et d'autres pays amis sur cette question», a indiqué M. Abbas.

Une mission quasi impossible tant que les États-Unis bloqueront, en utilisant leur veto de membre permanent du Conseil, tout texte onusien stigmatisant leur allié israélien.

Nétanyahou dénonce la «partialité» de l'ONU

Autre piste; la conférence internationale que la France veut convoquer pour tenter de relancer le processus de paix, au point mort depuis avril 2014.

M. Abbas a souhaité que «tous les États du monde soutiennent la convocation de cette conférence internationale de paix avant la fin de l'année».

Israël rejette toute ingérence de l'ONU ou d'une tierce partie et réclame des négociations directes avec les Palestiniens.

M. Nétanyahou a balayé d'un revers de main l'argument de la colonisation.

«Ce conflit ne porte pas sur les colonies, cela n'a jamais été le cas», a-t-il affirmé. Ce conflit «a toujours porté sur l'existence d'un État juif, un État juif quelles que soient ses frontières».

Citant Haïfa, Jaffa et Tel-Aviv, des localités situées en Israël, il a ajouté: «voilà vraiment les colonies auxquelles ils (les Palestiniens) s'opposent».

Il a reconnu que la colonisation était «un vrai sujet» mais qu'il «peut et doit être résolu dans le cadre de négociations sur le statut final» des Territoires palestiniens.

Il a raillé la volonté «absurde» de M. Abbas d'obtenir du Royaume-Uni «des excuses» pour la Déclaration Balfour qui il y a près de cent ans a ouvert la voie à la création de l'État d'Israël. «Voilà ce qui s'appelle vivre dans le passé !», a-t-il lancé.

Brillant orateur, le premier ministre israélien a consacré la première partie de son exposé à expliquer, à grand renfort d'anecdotes, que malgré la «partialité» de l'ONU envers son pays -- «une véritable farce» -- celui-ci tissait des liens avec de plus en plus de pays en Afrique, Asie et Amérique latine qui le considèrent comme un géant de la technologie et un rempart contre le terrorisme.

Avant de revenir à ses thèmes de prédilection, comme «l'État islamique militant d'Iran, principale menace» pour Israël et «l'endoctrinement» des jeunes Palestiniens à la haine des Juifs et à la violence, «une forme de maltraitance».

Il a aussi rendu un hommage appuyé aux États-Unis, «pays le plus puissant et le plus généreux de la planète», qui vient d'accorder à l'État hébreu une aide militaire d'une ampleur sans précédent (38 milliards de dollars sur 10 ans).

Photo Seth Wenig, AP

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou