Le premier ministre israélien sortant Benjamin Nétanyahou est parvenu mercredi soir in extremis à former dans la douleur un gouvernement de coalition dont les commentateurs se demandent combien de temps elle va durer.

M. Nétanyahou a conclu juste avant l'échéance de minuit un accord avec le parti nationaliste religieux Foyer juif, lui assurant dans le parlement issu des récentes législatives une majorité minimale de 61 sièges sur 120.

«Je vais de ce pas sortir d'ici pour appeler le président et le président de la Knesset pour leur dire que j'ai réussi à former un gouvernement», devait déclarer M. Nétanyahou au Parlement selon des propos diffusés en avance par son parti du Likoud (droite).

M. Nétanyahou avait jusqu'à minuit pour réunir une majorité de gouvernement. Sans l'accord de dernière minute avec le Foyer juif, qui a chèrement vendu son soutien, M. Nétanyahou aurait essuyé l'affront de voir le président Reuven Rivlin confier à un autre - probablement le leader travailliste Isaac Herzog - la charge d'essayer à son tour de former un gouvernement.

Malgré plus de quarante jours de marchandages et de surenchères, il a fallu à M. Nétanyahou et ses collaborateurs négocier jusqu'aux derniers instants avec le Foyer juif pour arracher aux forceps une coalition de droite qui fait une place de choix aux nationalistes religieux et aux ultra-orthodoxes.

M. Nétanyahou doit présenter son gouvernement à la Knesset pour recueillir sa confiance «le plus tôt possible la semaine prochaine», a-t-il dit à M. Rivlin selon la présidence.

Un «général sans soldats»

Mais la majorité qu'il s'est assurée au prix de concessions considérables est tellement ténue qu'elle est soumise au caprice, à la défection voire à l'absence du premier parlementaire venu.

M. Nétanyahou est un «général sans soldats», a écrit le quotidien Maariv.

Le quadrige constitué par le Likoud de M. Nétanyahou, le Foyer juif, les partis ultra-orthodoxes Judaïsme unifié de la Torah et Shass et le parti de centre-droit Koulanou menace d'être incontrôlable. S'il durait, de grandes réformes promises comme celles du logement ou de la banque paraissent bien compromises.

Certains commentateurs ne lui donnent même pas jusqu'à la fin de l'année. Ils spéculent déjà autour de l'idée, dans l'air depuis un moment, d'un gouvernement d'union nationale entre le Likoud et la gauche.

Le quatrième gouvernement de M. Nétanyahou est confronté à des défis majeurs: les menaces sécuritaires à toutes les frontières d'Israël, la possibilité d'un accord nucléaire international avec l'Iran, le grand ennemi d'Israël, la restauration des liens détériorés avec les États-Unis, l'offensive diplomatique et judiciaire des Palestiniens, le coût de la vie et les inégalités sociales.

Le grand allié américain a clairement signifié combien il observait avec attention la formation du gouvernement israélien.

Au moment d'affronter ces défis, «Nétanyahou se retrouve avec une situation ingérable. La première chose qu'il va faire demain (jeudi) à 8h00, c'est prendre son téléphone et commencer à travailler à une coalition avec le Parti travailliste», dit à l'AFP le politologue Emmanuel Navon.

«Se débarrasser de Bennett»

M. Nétanyahou a lui-même sous entendu qu'il chercherait à élargir sa coalition. «J'ai déjà dit que 61 (sièges), c'était un bon chiffre. Mais plus de 61, c'est encore mieux», a-t-il dit.

Ce ne sont pas forcément les partis ultra-orthodoxes qui risquent le plus de rendre la vie impossible à M. Nétanyahou, pour autant que le gouvernement satisfasse les attentes religieuses et sociales de leurs électeurs. Au contraire, M. Nétanyahou «fera tout pour se débarrasser de (Naftali) Bennett», le chef du Foyer juif, dit M. Navon.

La réussite ou l'échec de M. Nétanyahou a été soumis jusqu'au bout au bon vouloir de M. Bennett qui a continué mercredi à faire monter les enchères en réclamant, en échange du soutien de ses huit députés, l'important portefeuille de la Justice, en plus de ceux déjà consentis de l'Education et de l'Agriculture.

L'accord conclu entre le Likoud et le Foyer juif (qui doit encore être formalisé malgré son annonce) concède en plus au parti nationaliste la présidence de la commission parlementaire des lois, parachevant une emprise inédite sur l'appareil judiciaire, selon le quotidien Haaretz. Le Foyer juif obtiendrait aussi un poste de ministre adjoint de la Défense.

«Les négociations sont terminées, la campagne est finie, maintenant nous nous mettons au travail», a dit M. Bennett sur Twitter après l'annonce de l'accord.

Mais il y a loin entre le Nétanyahou grand vainqueur des législatives du 17 mars et le Nétanyahou soumis aux exigences d'un homme avec lequel les relations sont notoirement détestables.

«Que va-t-il rester de tout cela au bout du compte», éditorialisait Maariv mercredi, «un gouvernement qu'il (M. Nétanyahou) ne souhaiterait pas à ses ennemis».