Le soutien dont jouit Raif Badawi ne cesse de croître depuis que le jeune blogueur emprisonné en Arabie saoudite a commencé à être fouetté, il y a un mois. Aseem Trivedi, caricaturiste et militant bien connu en Inde, vient de se joindre à la mobilisation avec une campagne inédite. Contre le fouet, il a sorti son crayon.

Une caricature par coup de fouet. C'est le défi que s'est lancé Aseem Trivedi quand il a entendu parler de Raif Badawi et des 50 coups de fouet qu'il a reçus, le 9 janvier. Il a créé le site internet Free Raif (Libérez Raif), où il met en ligne ses dessins sur le sujet.

Tantôt cyniques, tantôt tragiques, ses caricatures dénoncent la dictature et l'interprétation radicale de l'islam. Elles font parfois directement allusion à l'Arabie saoudite et à Raif Badawi en mettant en scène des hommes barbus armés de fouets.

Le jeune caricaturiste de 28 ans, lui-même emprisonné en 2012 pour sa participation par le dessin à un mouvement national contre la corruption et la censure en Inde, a décidé de se servir de son art pour se joindre à la mobilisation pour la libération du blogueur saoudien, de trois ans son aîné.

«La peine à laquelle il a été condamné est totalement absurde et inhumaine. Ce n'est pas de la justice, c'est de la cruauté, de la vengeance», s'est-il indigné au cours d'un entretien avec La Presse.

Aseem Trivedi avait cessé de dessiner après son emprisonnement, mais il a repris le crayon dans la foulée des attentats survenus en France, au début de janvier. Puis il a entendu parler de Raif Badawi. «Je me suis dit: «Maintenant, j'ai une mission»», a-t-il confié.

«Quand on est derrière les barreaux, il n'y a rien de plus encourageant et inspirant que de lire dans les journaux que quelqu'un a élevé la voix pour nous soutenir, explique-t-il. On réalise soudainement que la partie n'est pas finie et ça redonne le moral.»

Dans son cas, la pression populaire, tant en Inde qu'à l'étranger, avait amené le gouvernement à le libérer après une semaine. «Même si j'y ai été très brièvement, j'ai réalisé en prison la véritable signification de la liberté, ajoute-t-il. Quand on voit le ciel par un petit trou dans un mur, on réalise la douleur d'être emprisonné.»



«Un homme courageux»

Aseem Trivedi, dont les caricatures lui avaient valu d'être accusé de «sédition» par les autorités indiennes, se sent particulièrement interpellé par la condamnation de Raif Badawi, qui a notamment été accusé d'insulte à l'islam à cause de ses écrits. «En quoi ça peut être nuisible dans un État démocratique?», se demande-t-il.

Raif Badawi est «un homme courageux» qui mérite un vaste soutien, estime Aseem Trivedi. «Quelqu'un qui ose élever la voix dans un tel pays est le vrai visage de la liberté d'expression et devrait être une inspiration.»

Le caricaturiste espère accentuer par son art la pression sur le gouvernement saoudien, mais il estime que pour réussir, la mobilisation doit aussi être faite à un niveau supérieur, par les gouvernements et les organisations internationales. «Je sais que la caricature a ses limites, mais c'est la seule chose qu'un caricaturiste peut faire», dit-il.

Il invite néanmoins les caricaturistes de partout dans le monde à se joindre à sa campagne en lui faisant parvenir des dessins sur le thème de la liberté d'expression, qu'il ajoutera à son site internet.

Le site internet mis sur pied par Aseem Trivedi (en anglais)

ILLUSTRATION ASEEM TRIVEDI

«Comment osez-vous diffamer l'islam? Ne voyez-vous pas que nous seuls pouvons.» 

Le prince Charles intervient

Le prince Charles a évoqué le cas de Raif Badawi lors d'un entretien privé avec le roi Salmane d'Arabie saoudite, hier à Riyad, selon ce qu'ont rapporté plusieurs médias britanniques.

La teneur exacte de leurs échanges n'a pas été rendue publique, mais une source citée par le quotidien The Guardian a indiqué que la réaction du monarque «n'avait pas été inamicale».

Le prince Charles, qui fait une tournée de six jours au Moyen-Orient, serait très respecté par la famille royale saoudienne, ce qui lui permettrait d'aborder des questions délicates sans la froisser.

PHOTO AP/SPA

Le prince Charles a évoqué le cas de Raif Badawi lors d'un entretien privé avec le roi Salmane d'Arabie saoudite, hier à Riyad, selon ce qu'ont rapporté plusieurs médias britanniques.