Faisant déjà l'objet d'une mobilisation mondiale pour exiger sa libération, le blogueur saoudien Raif Badawi se retrouve maintenant en nomination pour l'obtention du prix Nobel de la paix 2015. Pendant ce temps, tous les yeux sont tournés vers l'Arabie saoudite, qui a commencé en fin de semaine à libérer certains prisonniers, sans préciser le nombre total et l'identité de ceux qui seraient graciés.

C'est un poids symbolique important qui s'ajoute aux pressions visant à faire libérer Raif Badawi. Le blogueur de 31 ans, emprisonné et flagellé en Arabie saoudite pour avoir appelé ses concitoyens à réfléchir sur la place de la religion dans leur société, est désormais en lice pour l'obtention du prix Nobel de la paix.

Raif Badawi figure ainsi au côté d'Edward Snowden, du pape François et du médecin congolais Denis Mukwege, qui soigne les femmes victimes de violences sexuelles, pour ne nommer que ceux-là. Sa nomination est commune avec celle de son avocat et beau-frère, le militant des droits de l'homme Walid Aboul Khair, lui aussi emprisonné.

C'est «parce qu'il se bat pour les principes de paix, de droits de l'homme, de démocratie et de liberté d'expression» que la députée norvégienne Karin Andersen a eu l'idée, avec un collègue, de soumettre la candidature de Raif Badawi au prix Nobel de la paix. «Il ne peut y avoir de paix durable sans ça», a-t-elle affirmé hier à La Presse au téléphone.

Les membres d'un Parlement font partie d'un groupe restreint de gens qui peuvent soumettre des candidatures au prix Nobel de la paix.

«C'est un message important pour beaucoup de dirigeants dans le monde que les droits de l'homme doivent être protégés», a ajouté Mme Andersen.

L'idée de cette nomination est survenue en voyant les dirigeants du monde se succéder en Arabie saoudite à la mort du roi Abdallah, «les mêmes» qui avaient marché à Paris pour la liberté d'expression deux semaines plus tôt.

«Je me suis dit que c'était honteux et qu'il était temps de nommer ces deux militants des droits de l'homme et de la liberté d'expression en Arabie saoudite, car il ne peut pas avoir de paix durable dans le monde sans respect des droits de l'homme et liberté d'expression.»

Les mises en candidatures pour le prix Nobel de la paix se terminaient dimanche. Le comité du prix Nobel doit maintenant retenir de 20 à 30 candidatures, qui formeront la présélection des nominations étudiées durant les prochains mois. Le lauréat sera annoncé en octobre.

Karin Andersen espère que Raif Badawi sera libéré avant. «S'ils continuent de le fouetter, il pourrait être mort [quand le prix Nobel sera annoncé].»

Prisonniers graciés

La nomination de Raif Badawi au prix Nobel de la paix survient alors qu'une vingtaine de prisonniers ont été libérés en fin de semaine en vertu d'un décret royal, rapporte le quotidien Saudi Gazette, basé à Djeddah.

Jeudi, le nouveau roi d'Arabie saoudite, Salmane Ben Abdel Aziz, avait effectivement annoncé la grâce imminente de prisonniers reconnus coupables de crimes de «droit public». Leur nombre total, leur identité et le moment de leur libération n'ont pas été précisés.

Rien n'indique que Raif Badawi pourrait être gracié, estime la directrice générale d'Amnistie internationale pour le Canada francophone, Béatrice Vaugrante. «Il faut qu'il y ait des pressions plus politiques, d'où notre demande à M. Harper de se prononcer sur le cas de Raif Badawi.»