Les ravisseurs James Foley avaient demandé une rançon de 145 millions de dollars et envoyé à sa famille un courriel dans lequel ils menaçaient de le tuer, une semaine avant de diffuser la vidéo de son exécution, a déclaré jeudi le GlobalPost, l'un de ses employeurs.

Le GlobalPost publie intégralement ce courriel émanant des djihadistes de l'État islamique «par attachement à la transparence et pour raconter toute l'histoire de Jim (Foley). Nous estimons que le texte donne un aperçu des motivations et des stratégies de l'État islamique».

Les djihadistes expliquent dans ce courriel que «d'autres gouvernements» ont accepté «des transactions en liquide» pour obtenir la libération d'otages. Ils affirment avoir proposé d'échanger James Foley contre Aafia Siddiqui, une Pakistanaise emprisonnée aux États-Unis pour avoir tenté de tirer sur des soldats américains en 2008 en Afghanistan, alors qu'elle était détenue pour ses liens présumés avec al-Qaïda.

Plus tôt dans la journée de jeudi, le PDG de GlobalPost Philip Balboni a confirmé «que la première rançon exigée par les ravisseurs de Jim Foley était de 100 millions d'euros» (environ 145 millions de dollars), selon un porte-parole du site d'informations américain.

Mais à cette occasion, les États-Unis ont réaffirmé leur politique de longue date de ne jamais payer de rançon pour tenter de faire libérer leurs ressortissants pris en otages.

Le journaliste travaillait pour GlobalPost lorsqu'il a été enlevé en novembre 2012 en Syrie.

Mercredi, M. Balboni avait affirmé avoir été en contact, ainsi que la famille Foley, avec les djihadistes de l'État islamique qui, selon lui, avaient «exprimé au départ le désir de négocier» la libération de M. Foley.

M. Balboni, interrogé par CNN, a expliqué que «les ravisseurs n'ont jamais réellement négocié» sur la somme demandée mais simplement fait part de leurs exigences au cours de moins d'une dizaine de contacts.

«Nous n'avons jamais pris cette somme de 100 millions d'euros au sérieux», a-t-il relevé, précisant qu'il avait cherché avec la famille du journaliste à réunir des fonds correspondants aux montants qui auraient été versés pour obtenir la libération de plusieurs otages européens plus tôt cette année.

Les sommes évoquées -- aucun gouvernement n'a reconnu le paiement de rançons -- «étaient très inférieures» à ce qui était demandé par les djihadistes en échange de James Foley.

Mais les négociations n'ont jamais avancé et les ravisseurs ont gardé le silence jusqu'à ce que la famille reçoive le message des ravisseurs les prévenant que leur fils allait être tué. Et le 13 août, ils ont diffusé une vidéo montrant l'exécution du journaliste de 40 ans.

Interrogée lors de son point de presse quotidien, la porte-parole du département d'État Marie Harf a rappelé que le gouvernement américain «ne faisait pas de concessions aux terroristes».

«Nous ne payons pas de rançons» afin de ne «pas financer le terrorisme», a martelé la responsable américaine, évaluant à «des millions de dollars» la manne des rapts perçue en 2014 par les djihadistes de l'EI.

«Nous appliquons cette politique depuis très longtemps. Pour protéger nos ressortissants à l'étranger et aussi pour ne pas fournir aux terroristes les financements dont ils ont besoin pour perpétrer leurs actes odieux», a argumenté Marie Harf.

Elle n'a toutefois pas voulu nommer ni critiquer d'autres pays, notamment en Europe, soupçonnés de verser des rançons pour faire libérer leurs ressortissants kidnappés.

L'État islamique «va bien au-delà» de toute autre menace terroriste

L'État islamique va «bien au-delà» que tout autre «groupe terroriste» connu jusqu'à présent, a estimé jeudi le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel.

Évincé de la nébuleuse Al-Qaïda, qu'il combat en même temps que les forces du régime Assad en Syrie, l'État islamique est «plus sophistiqué et mieux financé que tout autre groupe que nous ayons connu. Il va au-delà de tout autre groupe terroriste», a déclaré Chuck Hagel lors d'une conférence de presse organisée 48 heures après la diffusion d'une vidéo montrant l'exécution de l'Américain James Foley par les djihadistes sunnites.

«Il allie idéologie (et) sophistication de son savoir-faire militaire tactique et stratégique», a-t-il ajouté.

C'est la première fois qu'un responsable de l'administration du président Barack Obama s'exprime en des termes aussi forts au sujet de l'État islamique, auteur d'une fulgurante avancée en Irak depuis le début du mois de juin.

Mais M. Hagel n'a pas détaillé le déroulement ni les modalités du raid organisé en juillet en Syrie pour secourir des otages américains, dont James Foley, et qui a échoué.

L'assassinat du journaliste «est un nouvel exemple de l'idéologie barbare et impitoyable» de l'État islamique, s'est-il contenté de dire.

Et, si l'État islamique parvenait à s'étendre dans toute la région et installer durablement un «califat», «le Moyen-Orient s'en retrouverait profondément changé et cela créerait un environnement sécuritaire qui nous menacerait de très nombreuses façons», a renchéri le chef d'état-major interarmées, le général Martin Dempsey, lors de la même conférence de presse.

Le général Dempsey a toutefois estimé que les 90 frappes aériennes américaines contre les djihadistes dans le nord de l'Irak depuis le 8 août ont permis de «couper leur élan».

«Ils peuvent être maîtrisés, puis défaits», a-t-il assuré. Mais, a-t-il prévenu, pour en venir à bout «il faudra s'y attaquer en Syrie» et non pas uniquement en Irak.

«Il faudra s'y attaquer des deux côtés de cette frontière (entre l'Irak et la Syrie) qui n'existe plus. Cela sera possible lorsque nous aurons une coalition en mesure de vaincre l'État islamique», a poursuivi le plus haut gradé américain.