Le secrétaire d'État américain John Kerry estime que le tracé des frontières d'un futur État palestinien et la sécurité d'Israël s'avèreront «essentiels» si les négociations de paix venaient à reprendre, a rapporté l'émissaire américain Martin Indyk.

Tout au long des pourparlers, qui se sont achevés sur un échec malgré les intenses efforts de M. Kerry, Israéliens et Palestiniens ont fait certes preuve de «flexibilité», mais il est vite apparu qu'ils «n'ont pas ressenti la nécessité de faire les compromis douloureux qui auraient permis l'avènement de la paix», a déclaré M. Indyk jeudi soir lors d'une intervention au centre de réflexion Washington Institute.

À l'issue de neuf mois de «négociations sérieuses et intenses», l'émissaire américain a jugé qu'il était «plus aisé pour les Palestiniens de signer des conventions et en appeler aux organismes internationaux dans leur prétendue quête de justice».

Parallèlement, «il est plus aisé pour la classe politique israélienne d'éviter les tensions dans la coalition au pouvoir et, pour la population israélienne, de maintenir le confortable statu quo», a-t-il poursuivi.

«Si nous, les Américains, sommes les seuls à ressentir l'urgence, ces négociations n'aboutiront pas».

L'échéance fixée pour les négociations a expiré le 29 avril dernier sans résultat, soldant l'échec de cette dernière tentative en date pour résoudre le conflit, après plus de 20 ans de processus de paix.

Mais si les pourparlers devaient reprendre, le chef de la diplomatie américaine pense que les deux parties doivent travailler au tracé d'un futur État palestinien et à des garanties pour assurer la sécurité d'Israël, en plus d'autres dossiers tels que les réfugiés palestiniens et le statut de Jérusalem.

«Une fois que la frontière aura été tracée, chacun sera libre de construire dans son propre État», a encore dit Martin Indyk, en référence aux tensions nées de l'annonce par Israël de 12 800 nouveaux logements dans les colonies de Cisjordanie et à Jérusalem-Est qu'il a recensés durant les neuf mois de négociations.

Si la multiplication des logements dans les colonies «se poursuit, la notion d'Israël comme État juif pourrait être mortellement touchée. Ce serait une tragédie d'ampleur historique», a asséné M. Indyk.

Le processus de colonisation pourrait un jour «mener de manière irréversible Israël vers une réalité "binationale"», a poursuivi le négociateur américain. Un état «binational» - qui s'oppose à la solution des deux États - entérinerait le statu quo actuel, dans lequel juifs et Arabes vivent dans le même État. Dans ce cas, d'après de nombreux démographes, d'ici quelques années, la population arabe devrait dépasser la population juive.

«La poursuite effrénée de la colonisation - tout particulièrement pendant les négociations - ne se contente pas de saper la confiance des Palestiniens dans l'objectif des négociations, elle peut saper aussi l'avenir juif d'Israël», a mis en garde Martin Indyk.

Le président palestinien Mahmoud Abbas s'est senti «humilié par les fausses affirmations israéliennes selon lesquelles il était d'accord pour une augmentation de la colonisation» en échange de la libération de prisonniers, et au fur et à mesure que les discussions avançaient, il s'est «fermé». «Ce n'est pas la seule explication du fait qu'il se soit fermé aux discussions», a ensuite expliqué M. Indyk, «mais c'est la principale raison».

Plusieurs responsables israéliens ont réagi avec virulence aux propos de Martin Indyk. Député à la Knesset et membre du Likoud du Premier ministre Benyamin Nétanyahou, Ofir Akunis a ainsi dit «regretter que les mensonges palestiniens influencent aussi nos amis».

«Il n'y a pas deux vérités, il y en a une seule», a-t-il écrit sur sa page Facebook: «Les Palestiniens ont torpillé les négociations quand ils ont accepté de se réconcilier avec le Hamas et quand ils ont déposé unilatéralement des requêtes auprès des Nations unies».