Le président afghan Hamid Karzaï a exposé lundi à la conseillère à la Sécurité nationale du président Barack Obama, Susan Rice, ses conditions à la signature d'un traité de sécurité entre les deux pays, qu'il persiste à vouloir repousser, malgré l'impatience de Washington.

Mme Rice, qui effectue en Afghanistan une visite de quelques jours prévue de longue date, a été reçue par le président afghan dans la soirée, à Kaboul, à la demande de ce dernier, selon le Conseil de sécurité nationale (NSC) de la Maison-Blanche.

Lors de leur entretien, M. Karzaï a présenté à Mme Rice les garanties qu'il souhaite obtenir des États-Unis avant de signer un traité bilatéral de sécurité (BSA) que les deux pays négocient laborieusement depuis des mois.

Ce accord doit définir les modalités d'une présence militaire américaine en Afghanistan après le départ des 75 000 soldats de l'Otan, fin 2014, qui fait craindre une flambée de violences dans le pays, en partie contrôlé par les talibans.

M. Karzaï a indiqué à Mme Rice que «la fin des opérations militaires des forces étrangères dans les maisons afghanes, le lancement d'un processus de paix (avec les talibans) et l'organisation d'élections transparentes étaient les conditions» préalables à la signature du traité, selon la présidence afghane.

Les tentatives de pourparlers de paix avec les rebelles, auxquelles ont pris part les États-Unis, n'ont pour l'instant débouché sur aucun résultat concret.

Selon un communiqué de l'éxécutif américain publié lundi à Washington, Mme Rice a prévenu M. Karzaï qu'il n'était «pas viable» de retarder la signature de l'accord.

Mme Rice «a répété que sans signature rapide, les États-Unis n'auraient pas d'autre choix que de commencer à prévoir un après-2014 où les troupes américaines ou de l'OTAN ne seraient plus présentes en Afghanistan», selon le communiqué.

Garder un moyen de pression sur Washington

Jeudi, à l'ouverture de la Loya Jirga, grande assemblée traditionnelle afghane, le président Karzaï avait provoqué la surprise en annonçant que le BSA ne serait promulgué qu'après l'élection présidentielle du 5 avril prochain, à laquelle il ne peut participer, la Constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat.

La Jirga a ensuite approuvé dimanche cet accord, tout en demandant, en vain, à M. Karzaï de reconsidérer sa décision sur sa date de promulgation.

Selon la Maison-Blanche, Mme Rice a signifié à M. Karzaï que «les États-Unis saluaient l'approbation écrasante» du BSA par la Loya Jirga et qu'ils étaient «prêts à le signer dans les prochains jours».

La perspective d'un délai exaspère Washington, qui a fait savoir qu'un retard supplémentaire n'était «pas envisageable».

Lundi, les États-Unis ont renchéri sur ce thème, en soulignant que ces tergiversations risquaient de mettre en péril les préparatifs nécessaires au maintien de soldats américains en Afghanistan.

Attendre la présidentielle d'avril est «intenable et irréaliste», a déclaré le colonel Steve Warren, un porte-parole du Pentagone.

«Nous voulons que (le traité) soit signé. Le gouvernement américain le souhaite, le peuple afghan le souhaite, alors M. Karzaï se doit de le signer», a-t-il dit.

Washington avait indiqué la semaine dernière que les deux pays s'étaient mis d'accord sur les «termes» du BSA. Mais le président afghan ne semble visiblement pas entièrement convaincu: dimanche, lors de son discours de clôture de la Jirga, il a fait savoir qu'il souhaitait «continuer à négocier».

En repoussant la signature du BSA, le président pourrait chercher à garder le plus longtemps possible un moyen de pression sur Washington, avance Kate Clark, du Réseau des analystes sur l'Afghanistan (AAN).

«Dans son esprit, c'est la seule manière d'empêcher les Américains de piétiner la souveraineté afghane», écrivait-elle dimanche dans une analyse publiée en ligne.

La signature ou non du BSA pourrait être lourde de conséquences en Afghanistan, en proie à une insurrection des talibans que douze ans de guerre et la puissante machine militaire de l'Otan n'ont pas réussi à mater.

Farouchement hostiles au maintien de troupes étrangères, les rebelles islamistes ont condamné «fermement» l'approbation du traité par la Loya Jirga.