Le secrétaire d'État John Kerry est arrivé dimanche à Ryad pour tenter d'apaiser les tensions avec l'Arabie saoudite, un allié stratégique irrité par la politique américaine sur les dossiers syrien et iranien.

L'Arabie a annoncé le 18 octobre son refus de siéger au Conseil de sécurité de l'ONU, un acte sans précédent visant à protester contre l'inaction du Conseil, mais aussi des États-Unis, en particulier face au drame syrien, qui a fait selon une ONG plus de 120 000 morts depuis mars 2011.

Ryad est en colère contre Washington depuis que le président Barack Obama a renoncé en septembre à lancer des frappes contre le régime de Damas, après un accord sur le désarmement de l'arsenal chimique syrien.

L'Arabie soutient l'aile militaire de la Coalition de l'opposition syrienne, qui est fortement divisée sur une participation à la conférence de paix, dite Genève-2, initiée par les États-Unis et la Russie.

«Nous ne sommes pas en bons termes avec les États-Unis», écrivait dimanche l'éditorialiste du quotidien Al-Riyadh.

«Il y a un mécontentement en raison de l'attitude américaine, et le message a été bien reçu» à Washington, estimait pour sa part l'analyste saoudien Abdel Aziz al-Sagr.

John Kerry, en tournée pour 11 jours dans la région, restera jusqu'à lundi à Ryad: il «va réaffirmer la nature stratégique des relations entre les États-Unis et l'Arabie saoudite», qui ont perduré en dépit des turbulences depuis leur établissement dans les années 1930, a indiqué sa porte-parole Jennifer Psaki.

Il doit rencontrer le roi Abdallah lundi et parler notamment de la manière de «mettre fin à la guerre en Syrie», de la situation en Egypte et des «négociations entre le groupe 5+1 (des grandes puissances) et l'Iran» sur le nucléaire, a-t-elle souligné.

«Tactiques» différentes mais même objectif

Au Caire dimanche, avant son départ pour Ryad, M. Kerry a admis que les États-Unis avaient adopté des «tactiques» différentes de leurs alliés sur la Syrie mais a assuré que leur politique avait le même objectif, un pouvoir de transition sans Bachar al-Assad.

«Nous partageons tous le même objectif(...), à savoir sauver l'État syrien et la mise en place d'un gouvernement de transition (...) qui puisse donner la chance au peuple de Syrie de choisir son avenir», a-t-il ajouté. «Nous pensons aussi qu'Assad, parce qu'il a perdu toute autorité morale, ne peut pas en faire partie».

Des déclarations immédiatement condamnées par le régime de Damas, qui a affirmé qu'elles «menacent de faire échouer la conférence de Genève» et «représentent une ingérence flagrante dans les affaires syriennes».

Un haut responsable du département d'État a précisé que les entretiens de M. Kerry avec les responsables saoudiens devaient porter sur «la meilleure façon d'aider la Coalition de l'opposition et son aile militaire afin qu'elle prenne elle-même l'assurance d'aller à Genève (...) négocier avec le régime».

Les ministres arabes des Affaires étrangères ont eux aussi exhorté dimanche soir au Caire toutes les factions de l'opposition syrienne à former une délégation unie pour se rendre à la conférence de paix.

L'opposition syrienne, très divisée sur sa participation, réclame des garanties que la conférence aboutira à un départ du président Assad, ce que le régime rejette catégoriquement.

Le chef de la Coalition syrienne, Ahmed al-Jarba, a également appelé les États arabes à «prendre une décision claire sur la livraison d'armes» pour aider la rébellion non jihadiste.

L'Arabie saoudite observe par ailleurs avec méfiance l'amorce d'un dégel entre Washington et l'Iran, allié de Damas, et une éventuelle participation de Téhéran à Genève-2.

«Nous sommes complètement d'accord avec les Saoudiens concernant leurs inquiétudes», a déclaré un haut responsable du département d'État. «Il n'est pas question pour nous d'assouplir notre position sur ce que les Iraniens ont fait pour soutenir (...) des groupes terroristes à travers la région».

M. Kerry a d'ailleurs réaffirmé dimanche que les États-Unis se tiendraient toujours aux côtés de leurs alliés dans une région déstabilisée par le Printemps arabe.

«Nous serons là pour l'Arabie saoudite, les Emirats, les Qataris, les Jordaniens, les Egyptiens et les autres. Nous ne laisserons pas ces pays être la cible d'attaques de l'extérieur», a-t-il assuré.