L'Afghanistan a commencé à libérer des centaines de talibans dans l'espoir de faciliter le processus de paix et de stabiliser le pays d'ici le départ de l'essentiel des troupes de l'OTAN fin 2014, malgré les craintes de Washington que les détenus élargis ne retournent au front.

En pleurs, portant calotte blanche et longue barbe noire, environ 80 hommes ont quitté vendredi la prison Pul-e-Charkhi, le plus grand centre de détention d'Afghanistan, à l'est de la capitale.

Des centaines d'autres doivent suivre. Arrêtés par la force multinationale de l'OTAN (ISAF), la plupart ont été détenus à la prison américaine de Bagram, au nord de Kaboul, avant d'être remis aux autorités afghanes.

«J'ai passé 20 mois en prison», a confié un prisonnier d'une trentaine d'années à sa sortie de détention. «J'ai été arrêté à Kandahar. Je ne sais pas pourquoi j'ai été arrêté, mais je l'ai été par des soldats étrangers».

Il affirme avoir été bien traité alors que le scancale de la prison irakienne d'Abou Ghraïb en 2004 et les conditions de détention à Guantanamo, où des militants d'al-Qaïda sont enfermés depuis des années sans inculpation ni procès, ont terni l'image des États-Unis.

Un autre prisonnier affirmant avoir été arrêté dans la province de Sari Pol explique lui avoir subi des mauvais traitements dans les mains d'agents des services secrets afghans (NDS).

«Ces prisonniers libérés aujourd'hui (vendredi 4 janvier) ne sont pas des criminels. J'étais accusé d'être un taliban, mais je suis innocent», clame-t-il après avoir passé deux ans et demi derrière les barreaux. «On a été très maltraités par les (agents des) NDS. Leur comportement était terrible».

Le président Hamid Karzaï, qui doit s'entretenir cette semaine à Washington avec Barack Obama, avait fait du contrôle de la prison de Bagram et de ses 3.000 prisonniers une condition pour l'avenir des relations entre l'Afghanistan et les États-Unis après 2014.

Le transfert a eu lieu l'an dernier, mais l'administration américaine s'est inquiétée de ces libérations, estimant que nombre de détenus rejoindraient les rangs de la rébellion.

Parmi eux, plusieurs ont en effet été arrêtés dans les provinces de Khost, Kunar et Uruzgan (est), fiefs des islamistes.

Le général Gulam Farouk, responsable de Bagram, n'a pas indiqué le nombre exact de détenus libérés convaincus d'être des talibans, mais il assure qu'ils ont «signé un engagement à ne pas s'impliquer dans des activités d'insurrection».

Un total de 485 prisonniers passés au crible du ministère de la Défense et du Haut conseil pour la paix quitteront prochainement Pul-e-Charkhi, selon lui.

Après une décennie de combat, les soldats de l'OTAN et leurs alliés des forces afghanes n'ont pas réussi à mater l'insurrection, d'où la crainte, exprimée par des observateurs d'un retour au pouvoir des talibans après 2014 et le souhait de Kaboul de lancer des pourparlers de paix avec les insurgés avant cette échéance.

Des contacts préliminaires entre les États-Unis et les talibans afghans avaient avorté en mars 2011 après le refus de Washington de libérer des cadres talibans emprisonnés à Guantanamo.

Le gouvernement du président Karzaï a élaboré une feuille de route qui prévoit de persuader les talibans et d'autres groupes rebelles d'accepter un cessez-le-feu en vue de participer à terme à la mise en place de la démocratie naissante.

Ces libérations font partie de ces efforts. Mais il est «prématuré» de dire si elles auront ou nom l'effet escompté, estime le Haut conseil pour la paix.

Le Pakistan, considéré comme un acteur clé dans la réconciliation afghane en raison de ses relations historiques avec des chefs des talibans, a libéré une trentaine de responsables talibans depuis la mi-novembre.

Kaboul espère que ces cadres pourront convaincre leur hiérarchie de négocier la paix.