Vendredi, les Iraniens étaient appelés aux urnes pour la première fois depuis la réélection en 2009 du président Mahmoud Ahmadinejad, qui avait donné naissance à un large mouvement de protestation populaire. Pour l'occasion, le régime n'a rien laissé au hasard et a déployé l'artillerie lourde pour faire sortir les électeurs.

«Les élections les plus importantes de l'histoire iranienne». «Une gifle puissante au visage de l'arrogance globale». «Une preuve d'unité nationale». Au cours de la dernière semaine, le numéro 1 de la République islamique d'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei n'a ménagé aucun superlatif en prévision des élections parlementaires qui ont eu lieu hier en Iran et dont l'enjeu principal était le taux de participation.

Les bureaux de vote n'étaient pas encore fermés hier que déjà, les médias d'État annonçaient une affluence record dans les bureaux de scrutin. La chaîne anglophone Press TV, financée par le régime islamiste, a déclaré à 21h un taux de participation provisoire de 64,6%. «Le taux de participation spectaculaire a obligé les autorités à laisser les bureaux de scrutin ouverts pendant cinq heures de plus que prévu», pouvait-on lire hier sur le site.

Ces statistiques laissent perplexes plusieurs observateurs de l'Iran. «Il n'y a aucun moyen de vérifier ces chiffres, qui sont fournis par le ministère de l'Intérieur», note Yasmina Alem, experte indépendante des élections iraniennes, établie à Washington DC. «Ces élections sont une opération de relations publiques pour réparer les dommages laissés par les protestataires du Mouvement vert à la suite de l'élection de 2009. C'est très planifié et très bien organisé», estime celle qui a récemment consacré un livre au processus électoral iranien.

Hier, sur le web, des internautes iraniens expliquaient que tout a été fait pour rendre le vote quasiment inévitable. Ali, Iranien dans la trentaine habitant à Téhéran, a écrit sur un blogue de Public Broadcating Service (PBS) qu'il avait décidé de ne pas voter. «J'ai toujours voté, mais cette fois, aucun des candidats ne m'intéressait», a-t-il exposé. Cependant, il a changé d'idée quand une boîte de scrutin, montée sur un chariot, est arrivée à sa porte.

Avenir d'Ahmadinejad

Professeur de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada, Houchang Hassan-Yari explique que les enjeux entourant le taux de participation étaient multiples hier. «Le régime veut montrer que malgré les protestations de 2009, il n'a pas perdu sa légitimité à l'interne», note l'expert. Les chefs du Mouvement vert, qui a secoué l'Iran pendant huit mois en 2009 et 2010, avaient d'ailleurs appelé au boycottage des élections d'hier. «Dans un deuxième temps, sur le dossier nucléaire, le régime veut démontrer que la population est derrière lui», ajoute M. Hassan-Yari.

Près de 3400 candidats étaient en lice pour ces neuvièmes élections parlementaires de la République islamique d'Iran, qui permettront à terme de déterminer les 290 nouveaux députés du Majlis, le Parlement iranien. La branche réformiste du régime ayant déserté le scrutin d'hier, les électeurs devaient choisir entre différents candidats conservateurs, s'affichant tantôt plus près de l'Ayatollah Khamenei, tantôt du président Mahmoud Ahmadinejad. Le chef suprême et le président ont croisé le fer à quelques reprises au cours des derniers mois et le résultat du vote pourrait avoir un impact direct sur l'avenir d'Ahmadinejad, si ce dernier ne récolte pas assez d'appuis.

Vendredi soir, on ne connaissait pas encore la composition du nouveau Parlement. Le décompte devrait se poursuivre aujourd'hui. Les candidats qui ne recevront pas plus de 50% des voix dans leur circonscription devront se présenter pour un second tour.

- Avec CNN, PBS, Reuters, Washington Post