Un oiseau. Une branche de jasmin. Et une mention: «State of Palestine». Depuis quelques mois, un nouveau tampon posé à l'intérieur de passeports fait sourciller les douaniers de différents pays. Au plus grand plaisir de son créateur, l'artiste palestinien Khaled Jarrar.

La station d'autobus de Ramallah ressemble à un grand stationnement, où les autocars et les minibus tentent tant bien que mal de se frayer un chemin parmi la foule de voyageurs et de vendeurs.

L'été dernier, Khaled Jarrar en a fait le point d'entrée non officiel de l'«État de la Palestine». Son tampon à la main, l'artiste originaire de Jénine a commencé à accueillir les étrangers d'un «Bienvenue en Palestine» avant de leur offrir d'estampiller leur passeport.

Certains ont accepté en riant, d'autres ont refusé avec un sourire poli, comme le montrent les séquences qu'il a compilées.

Son projet a commencé il y a plus de trois ans, avec l'exposition Vivre et travailler en Palestine, bâtie autour de l'idée de la création de cartes d'identité et de formulaires qui seraient requis pour les étrangers si la Palestine était officiellement un pays.

Il a retravaillé le dessin de son estampe au début de l'année. Il a opté pour un oiseau (souimanga de Palestine) et une branche de jasmin, choisissant de se tenir loin des «symboles du pouvoir» comme l'aigle. En anglais et en arabe, le sceau porte l'inscription «État de la Palestine». Mais il souhaitait pousser l'expérience un peu plus loin.

Geste «provocateur»

«J'étais très content de mon design, mais je me suis dit que c'était une perte de temps si je ne faisais rien avec le tampon, explique l'homme de 35 ans. Une estampe n'est pas vivante, mais un passeport voyage, il a une histoire. C'est comme ça que ce projet a commencé.»

Pour suivre ce voyage, il est resté en contact avec les quelque 180 détenteurs de passeports qui ont accepté son estampe. Lui-même qualifie son geste de «provocateur» et voulait en mesurer les impacts, après avoir averti les voyageurs des risques de voir invalider un passeport marqué d'un sceau non officiel.

Selon ses données, quelques personnes ont été interrogées à l'aéroport, au moins une a eu son passeport -israélien- annulé, d'autres n'ont noté qu'un étonnement des autorités.

«C'est intéressant les histoires qui découlent de cette estampe, souligne celui qui est aussi photographe et vidéaste. Ça secoue les gens. Ils se demandent s'ils devraient le faire. Ça pose la question de la frontière entre le légal et l'illégal, de leur soutien des droits et des projets artistiques...»

Invité dans plusieurs villes européennes pour des expositions au cours des derniers mois, principalement de ses photos, il a répété l'expérience dans les rues étrangères, et notamment près du «Checkpoint Charlie» de Berlin, où des faux officiers de la RDA peuvent aussi estamper les passeports.

Khaled Jarrar a commencé à tamponner les passeports à Ramallah alors que la question de la demande d'adhésion palestinienne à l'ONU faisait déjà des vagues. Mais s'il ne nie pas la dimension politique de son projet, il n'est pas du tout associé à cette initiative, qu'il rejette.

«Je suis contre l'initiative à l'ONU, parce que je ne crois pas à la solution des deux États, dit-il. Ils ont parlé des deux États pendant 64 ans sans arriver à une solution. Chaque fois, ça a créé plus de haine, de guerre et de discrimination. Je veux juste vivre en paix et avec ma liberté.»