Le Premier ministre jordanien Maarouf Bakhit a formé mercredi un gouvernement incluant des personnalités proches de l'opposition, dont la principale mission sera d'entamer des réformes face à la contestation populaire, mais les islamistes ont déjà exprimé leurs réserves.    

Le Front de l'action islamique (FAI), principal parti d'opposition, qui a refusé de participer au gouvernement, a regretté que ce cabinet «ressemble aux précédents».

«Mais nous attendrons de voir ses actes pour le juger», a déclaré à l'AFP cheikh Hamzeh Mansour, le chef du FAI, la branche politique des Frères musulmans.

Même son de cloche chez les Frères musulmans: «Le peuple jordanien ne croit pas aux promesses et ne s'intéresse pas aux discours, il veut des actes», a déclaré à l'AFP le porte-parole de la confrérie, Jamil Abou Bakr.

«Nous poursuivrons les manifestations et les protestations sous différentes formes jusqu'à l'adoption de réformes par le gouvernement», a-t-il ajouté.

La Jordanie est en proie à un mouvement de contestation qui s'est traduit par plusieurs manifestations, faisant écho à celles qui ont provoqué la chute du président Zine El Abidine Ben Ali mi-janvier en Tunisie et menacent actuellement le régime du président Hosni Moubarak en Egypte.

L'opposition, et en particulier les islamistes, réclament en premier lieu une révision de la loi électorale et des lois sur les libertés publiques.

Face à ce mouvement, le roi Abdallah II a limogé le 2 février son Premier ministre Samir Rifaï et chargé Maarouf Bakhit de former un nouveau gouvernement et de proposer un vaste programme de réformes politiques et économiques.

Après une semaine de consultations, M. Bakhit, 64 ans, et ses 26 ministres ont prêté serment mercredi devant le roi.

Dans une lettre publique au roi, M. Bakhit s'est engagé mercredi à donner la priorité à la révision de la loi électorale «dans le cadre d'un dialogue avec les parlementaires et avec toutes les forces nationales». Il a aussi promis «des réformes globales» et «un dialogue en profondeur avec toutes les forces politiques».

«L'opposition responsable sous toutes ses formes est notre partenaire», a-t-il insisté, tout en exprimant son «respect» pour la presse: une «presse libre et crédible (...) est bénéfique pour la nation».

Le nouveau gouvernement comprend un islamiste indépendant, ancien adjoint du chef des Frères musulmans, Abdel Rahim Akour, qui devient ministre des Affaires religieuses.

Plusieurs ministres du courant nationaliste proche de la gauche font leur entrée: Hussein Mjalli (Justice), Mazen Saket (Développement politique), Tarek Massarweh (Culture), Samir Habachneh (Agriculture), ainsi qu'un journaliste libéral rédacteur en chef du quotidien indépendant al-Arab al-Yom, Taher Adwan (Information) et un centriste, Hazem Kashouh (Affaires municipales).

Cinq ministres du gouvernement sortant ont été maintenus (Affaires étrangères, Intérieur, Plan, Eau et Finances).

La nouvelle équipe ne compte plus que deux femmes, contre trois dans la précédente: Haifa Abou Ghazaleh (Tourisme et Antiquités) et Salwa al-Damen (Développement social).

Le chef du programme nucléaire jordanien, Khaled Toukan, hérite du portefeuille de l'Énergie.

La grande majorité des membres du gouvernement ont une soixantaine d'années. Les Jordaniens avaient critiqué les résultats des jeunes technocrates occidentalisés très présents dans le gouvernement sortant de Samir Rifaï, 43 ans.