Les forces britanniques ont commencé lundi à l'aube à céder aux Américains le contrôle de Sangin, bastion taliban du sud de l'Afghanistan, où elles ont essuyé le tiers de leurs pertes.

Un millier de soldats britanniques a amorcé un retrait qui doit s'étaler sur plusieurs semaines. Sangin, un district situé dans le nord de la province du Helmand, s'est révélé le lieu le plus meurtrier d'Afghanistan pour les troupes de la coalition internationale.

«Les forces britanniques ont servi à Sangin pendant les quatre dernières années et doivent être fières du travail accompli dans une des régions les plus difficiles d'Afghanistan», a souligné le ministre de la Défense, Liam Fox. Il a insisté dans un communiqué sur le «sacrifice» des troupes britanniques qui ont perdu sur place 106 soldats, sur un total de 337 morts britanniques en Afghanistan depuis 2001.

La région de Sangin est à la fois un terrain militaire extrêmement difficile avec son mélange de tribus rivales, ses routes peu praticables, ses terrains minés, et un enjeu stratégique vital, au coeur des circuits d'opium dont l'Afghanistan fournit 93% de la production mondiale.

Les Britanniques -- des Royal marines et des unités blindées -- doivent être redéployés pour concentrer l'effort sur la zone centrale de la province du Helmand, aux cotés de forces afghanes, a précisé le ministère de la Défense.

Les autorités de défense britanniques ont à coeur de souligner qu'il s'agit d'une décision «rationnelle» tenant compte du renforcement des troupes américaines, plus efficaces à Sangin en raison de leur nombre. 20.000 soldats américains sont désormais déployés dans la province du Helmand.

Le général Gordon Messenger, porte-parole du ministère de la Défense, a nié farouchement les informations de presse assimilant le repli à une défaite: «Cela ne ressemblera certainement pas à ça sur le terrain», a-t-il assuré sur la BBC, évoquant un «continuum».

«C'est un passage de témoin, pas un retrait», a renchéri sur la BBC le colonel Stuart Tootal, qui a commandé le premier régiment de 1.200 soldats envoyé il y a 4 ans à Sangin. «En dépit de l'attachement émotionnel à Sangin (...), ce n'est en aucun cas une défaite».

«L'émotion ne doit pas prendre le pas sur le bon sens pragmatique», qui veut que les Britanniques concentrent leur effort sur la région centrale de la province, a-t-il martelé.

Ces redéploiements résultent de consultations au sein de l'Isaf, la force internationale qui compte environ 140.000 hommes dont 9.500 Britanniques, qui constituent le deuxième contingent.

Américains et Britanniques espèrent amorcer un retrait d'Afghanistan à l'été 2011. Le premier ministre David Cameron s'est engagé devant le Parlement à avoir quitté le pays d'ici à cinq ans.

La période qui s'ouvre est cruciale pour la coalition, qui doit démontrer des progrès tangibles alors que la fin officielle de la mission de combat de l'armée américaine en Irak début septembre, a mis en lumière l'enlisement afghan.

La stratégie en Afghanistan est mise en cause ouvertement par les experts de l'Institut international d'études stratégiques (IISS), dont le siège est à Londres. «De nombreux observateurs s'inquiètent du fait que la lourde présence des troupes étrangères est ce qui maintient et alimente les talibans», selon leur rapport publié début septembre.

Les experts de l'IISS estiment que «l'avenir est manifestement du côté de négociations avec ou entre les participants au conflit», plutôt que dans «une stratégie de contre-offensive trop ambitieuse».