La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a rencontré jeudi pour la première fois le nouveau président pakistanais Asif Ali Zardari, dans un contexte de fortes tensions entre les deux pays en raison des raids de l'Otan contre les talibans et les combattants d'Al-Qaïda dans les zones frontalières avec l'Afghanistan.

Questionné sur les récents incidents dans ces zones frontalières, M. Zardari, veuf de Benazir Bhutto, a assuré que militaires pakistanais n'avaient pas tiré avec des armes légères sur des hélicoptères de l'Otan, comme l'ont affirmé des responsables de la Force internationale d'assistance et de sécurité (Isaf) en Afghanistan.«Vous voulez dire, les fusées éclairantes?», a-t-il répondu. «Elles sont destinées à leur montrer qu'ils franchissent la frontière».

Alors que de vives tensions opposent les Etats-Unis au Pakistan, qui accuse les forces américaines en Afghanistan de lancer des incursions sur son territoire, M. Zardari n'a pas paru assouplir la position de son pays.

À un journaliste qui lui demandait si les incidents allaient se poursuivre, il a répondu: «Lesquels, les fusées éclairantes ou les incursions militaires?»

«Parfois, la frontière est tellement incertaine qu'ils ne réalisent pas qu'ils ont franchi la frontière», a-t-il cependant ajouté sur un ton plus conciliant.

«Oui, la frontière est très très incertaine, je sais», a alors renchéri Mme Rice, qui était restée silencieuse pendant cet échange.

Dans un communiqué, l'Isaf a affirmé que des hélicoptères de l'Otan en Afghanistan avaient essuyé jeudi des coups de feu tirés par des militaires pakistanais. La force multinationale et les Etats-Unis ont assuré qu'ils étaient en territoire afghan, Islamabad affirmant au contraire qu'ils étaient au Pakistan.

Les États-Unis, qui estiment qu'Al-Qaïda et les talibans afghans ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales pakistanaises, frontalières, y multiplient ces derniers temps les tirs de missiles par des avions sans pilote (drones), au grand dam du Pakistan qui les accuse de violer sa souveraineté et de tuer des civils.

Le Premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani a répété mercredi que son pays ne tolérerait aucune violation de sa souveraineté territoriale «par quiconque au nom du combat contre le terrorisme».

Signe des tensions grandissantes entre les deux pays, les Etats-Unis ont suspendu jeudi les services de visas dans leurs bureaux consulaires au Pakistan, invoquant des inquiétudes grandissantes concernant la sécurité, après l'attentat contre l'hôtel Marriott d'Islamabad, a annoncé le département d'Etat.

Aussitôt après avoir été accueillie par M. Zardari dans le grand hôtel de New York où il réside pendant l'Assemblée générale des Nations unies, Mme Rice a pris soin de rappeler les excellentes relations qu'elle entretenait avec Benazir Bhutto, assassinée en décembre dernier alors qu'elle faisait campagne pour succéder au président Pervez Musharraf.

«Benazir Bhutto était vraiment une source d'inspiration dans le monde entier, et pour moi personnellement», a-t-elle dit à M. Zardari. «Nous nous sommes parlés plusieurs fois au téléphone et je l'admirais».

Le nouveau président pakistanais, qui a été élu début septembre, a assuré qu'il gouvernerait dans l'esprit de ce que sa femme avait prévu.

«Nous faisons tout selon ce que j'appelle la doctrine Benazir», a-t-il dit. «Elle nous a tout laissé. Elle nous a laissé un programme, elle nous a laissé une politique. Nous connaissons son état d'esprit. Nous faisons tout exactement comme elle l'aurait fait».