(Kyiv) Le président russe Vladimir Poutine a accusé dimanche Kyiv d’avoir commis un « acte terroriste » en organisant l’explosion qui a partiellement détruit samedi le pont de Crimée reliant la Russie à la péninsule annexée, suivie dans la nuit par des frappes russes meurtrières contre une ville ukrainienne.

« Les auteurs, les exécutants et les commanditaires sont les services secrets ukrainiens », a résumé M. Poutine à l’issue d’une réunion avec le chef du Comité d’enquête russe, selon une vidéo diffusée par le Kremlin. « Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un acte terroriste visant à détruire une infrastructure civile russe d’importance critique », a-t-il ajouté.

C’était la première réaction de Vladimir Poutine à l’explosion survenue samedi au petit matin – un nouveau revers majeur pour la Russie au moment où ses forces sont en difficulté en Ukraine.

Le Kremlin a indiqué que le président russe convoquait lundi son conseil de sécurité, qui rassemble les principaux ministres, responsables politiques et représentants des services de sécurité et de l’armée russes.  

Kyiv n’a ni confirmé ni démenti son implication. Le président Volodymyr Zelensky s’est contenté d’ironiser dans une vidéo sur le temps « nuageux » samedi en Crimée – allusion probable à la fumée de l’incendie – « bien qu’il y faisait également chaud ».  

Il a promis dans la même vidéo une Crimée « sans occupants », l’Ukraine, soutenue en cela par l’immense majorité de la communauté internationale et les Nations unies, n’ayant jamais accepté l’annexion en 2014 par Moscou de la péninsule.

M. Zelensky a également qualifié les militaires russes de « terroristes », après des frappes sur des immeubles d’habitation de Zaporijjia, ville du sud de l’Ukraine, qui ont fait entre 12 et 17 morts selon les bilans, trois jours après de précédents bombardements qui y avaient fait 17 morts.

PHOTO MINISTÈRE UKRAINIEN DES SITUATIONS D’URGENCE VIA AFP

Des immeubles touchés par les bombardements

Un dernier bilan de l’administration régionale de Zaporijjia faisait état de 13 morts et 60 blessés, dont des femmes et des enfants.  

« Mal absolu »

« Aucun sens. Le mal absolu. Des terroristes et des sauvages. Depuis celui qui a donné cet ordre jusqu’à celui qui l’a exécuté », a écrit le président ukrainien sur son compte Telegram. Cette frappe russe « a détruit des appartements privés, où des gens vivaient, dormaient sans attaquer personne ».

Selon l’armée de l’air ukrainienne, quatre missiles de croisière, deux missiles tirés depuis des avions de chasse et d’autres missiles de type antiaérien ont été utilisés contre la ville.

L’armée russe a elle affirmé dimanche avoir mené des frappes avec des « armes de haute précision » contre des unités de « mercenaires étrangers » dans la région.

Non loin de là, la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, a été reconnectée au réseau électrique dimanche.

La veille, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avait annoncé que l’installation avait perdu sa dernière source d’alimentation électrique externe en raison de nouveaux bombardements, et qu’elle s’appuyait sur des générateurs d’urgence pour fournir le courant dont elle a besoin pour assurer certaines fonctions de sécurité, dont le refroidissement de ses six réacteurs, tous à l’arrêt.

« Notre équipe à Zaporijjia confirme que la ligne d’alimentation extérieure perdue hier (samedi) a été rétablie et que (la centrale) est reconnectée au réseau – un soulagement temporaire face à une situation toujours intenable », a écrit le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, sur son compte Twitter.

Reprise du trafic

Quelques heures après l’énorme explosion sur le pont de Crimée samedi, le trafic automobile et ferroviaire y avait repris partiellement. Les poids lourds ont cependant été renvoyés vers des ferries dans un premier temps.

La déflagration a fait s’effondrer sur plusieurs travées l’une des voies routières de ce pont construit à grands frais, inauguré par Vladimir Poutine en 2018. Un convoi ferroviaire de wagons-citernes de carburant a en outre pris feu.

Le ministère russe des Transports a assuré dimanche que les trains de passagers « circulaient selon le plan habituel ».

PHOTO ALEXEY PAVLISHAK, REUTERS

Un train de passagers s’approche des réservoirs de carburant brûlés sur le pont, après qu’une explosion ait détruit une partie de celui-ci.

Les autorités russes avaient dès samedi attribué l’explosion à un camion piégé dont le propriétaire est un habitant de la région russe de Krasnodar.

Kyiv avait menacé à plusieurs reprises de frapper ce pont symbole de l’annexion de la Crimée, qui sert aussi à l’approvisionnement des troupes russes en Ukraine.

Des images de vidéosurveillance diffusées sur les réseaux sociaux ont montré une puissante explosion au moment où plusieurs véhicules circulaient sur le pont.

Selon les enquêteurs, l’attaque a fait trois morts : le conducteur du camion ainsi qu’un homme et une femme qui circulaient en voiture.

L’armée russe, en difficulté sur le front de Kherson dans le sud de l’Ukraine, a affirmé samedi que l’approvisionnement de ses troupes n’était pas menacé.

Depuis début septembre, les forces russes ont été obligées de reculer sur de nombreux points du front. Elles ont notamment dû se retirer de la région de Kharkiv (nord-est).

Face à une armée ukrainienne galvanisée et forte des approvisionnements en armes occidentales, M. Poutine a décrété fin septembre la mobilisation de centaines de milliers de réservistes et l’annexion de quatre régions ukrainiennes, bien que Moscou ne les contrôle que partiellement.

Les services de sécurité russes (FSB) ont par ailleurs dénoncé dimanche une « augmentation considérable » des tirs ukrainiens visant des territoires russes frontaliers de l’Ukraine, dans lesquels selon eux une personne a été tuée et cinq ont été blessées au cours de la semaine écoulée.

Signe du mécontentement en haut lieu sur la conduite des opérations, Moscou a annoncé samedi avoir nommé un nouvel homme à la tête de son « opération militaire spéciale » en Ukraine, le général Sergueï Sourovikine, 55 ans.