Après le « pas de côté » jeudi de Carles Puigdemont, qui a renoncé à briguer la présidence de la Catalogne notamment pour défendre la cause des séparatistes devant l'ONU, son camp doit encore trouver un candidat et les obstacles ne manquent pas.

Jeudi soir le président régional, destitué par Madrid après la tentative de sécession du 27 octobre, a annoncé depuis Bruxelles qu'il préférait renoncer « provisoirement » pour permettre la formation rapide d'un gouvernement, difficile tant qu'il serait candidat.

Accusant l'État espagnol de « punir le peuple » catalan en lui barrant la route, il a proposé de désigner Jordi Sanchez, numéro deux sur sa liste et dirigeant de la puissante association indépendantiste ANC (Assemblée nationale Catalane).

Fin janvier, la Cour constitutionnelle avait placé des obstacles presque insurmontables à la formation d'un gouvernement dirigé par Puigdemont, poursuivi pour « rébellion » : elle avait interdit une investiture à distance et estimé qu'il devrait auparavant se rendre en Espagne pour y obtenir une autorisation judiciaire, au risque d'y être immédiatement arrêté.

Mais la « solution » Jordi Sanchez est presque aussi compliquée que la candidature Puigdemont.

Sanchez est en détention provisoire près de Madrid depuis plus de quatre mois, pour « sédition », en lien avec une manifestation à Barcelone le 20 septembre.

Et Sanchez, pour qui Amnestie internationale a pris fait et cause en estimant que sa détention était « excessive », devrait aussi obtenir une permission du juge pour pouvoir participer à un débat d'investiture.

« Gouverner est bien difficile [...] et cette histoire de gouverner à temps partiel parce que l'on est en fuite ou en prison ne tient pas », a réagi le porte-parole du gouvernement espagnol Inigo Mendez de Vigo.

« Le gouvernement ne va pas y consentir ».

Les obstacles ne sont pas seulement juridiques.

Le porte-parole du deuxième parti indépendantiste - ERC, gauche républicaine de Catalogne - a en effet assuré vendredi que celui-ci n'avait pas, à ce stade, arrêté son choix sur Sanchez.

Il a estimé qu'en termes de « légitimité » le candidat à privilégier serait l'ancien vice-président Oriol Junqueras, puisqu'il avait lui été membre du gouvernement destitué par Madrid.

Pas de reddition

« La reddition ne fait pas partie de mon vocabulaire », a dans tous les cas prévenu M. Puigdemont vendredi matin sur une radio catalane.

M. Puigdemont entend continuer à défendre sa cause depuis Bruxelles en dirigeant « un Conseil de la république », un organisme ad hoc qui pourrait être créé dans les prochains jours.

Cet organisme travaillera avec une assemblée d'élus, « l'espace libre de Bruxelles », et devra se coordonner avec l'exécutif à Barcelone.

« Aujourd'hui on ne sait pas combien de présidents on a », a ironisé le chef des socialistes catalans Miquel Iceta.

« Pas un denier public ne sera utilisé pour financer » ces structures a réagi le porte-parole du gouvernement.

Puigdemont, qui parle l'anglais, le français et le roumain - outre l'espagnol et le catalan, a surtout décidé de continuer son combat à l'étranger.

Pour ce faire, il a embauché une pointure, l'avocat Ben Emmerson, déjà impliqué dans la défense d'autres indépendantistes, ancien rapporteur des Nations Unies sur les questions de lutte antiterroriste et de droits de l'homme.

Ben Emmerson a saisi jeudi le Comité des droits de l'homme de l'ONU.

Lors d'une conférence de presse vendredi, il a égrené plusieurs articles du pacte des Nations unies relatif aux droits civils et politiques qui seraient violés selon lui, sur le droit de voter et d'être élu, la liberté d'expression et d'opinion notamment.

Il ne s'arrêtera pas là, a-t-il ajouté, en précisant que cette plainte s'inscrit dans une campagne plus globale prévoyant une action par mois devant les instances juridiques internationales dont l'Espagne fait partie.

Quatre mois après le vote d'une déclaration d'indépendance unilatérale, la Catalogne, où vivent 7,5 millions d'Espagnols, encaisse donc encore les conséquences de cette tentative de sécession.

Placée sous administration directe de Madrid la région, ne peut plus gérer ni ses finances, ni sa santé publique ou son système éducatif comme elle le faisait depuis le début des années 80, après le rétablissement de la démocratie en Espagne, en 1977. Madrid a posé comme condition pour lui rendre son autonomie qu'elle se dote d'un gouvernement légitime.