Le Kremlin a réfuté vendredi vouloir se lancer dans une nouvelle « course aux armements » avec les États-Unis en vantant ses nouvelles armes « invincibles », qui donnent une tonalité belliqueuse à des relations déjà catastrophiques en dépit des promesses de réconciliation de Donald Trump.

En détaillant longuement lors de son discours annuel devant le Parlement les capacités technologiques des missiles développés par la Russie, Vladimir Poutine a fait craindre surtout une nouvelle escalade rappelant la Guerre froide, alors que Washington a adopté plusieurs séries de sanctions économiques contre Moscou et expulsé des diplomates russes de son territoire.

« Les déclarations russes menaçant de cibler les Alliés sont inacceptables et contre-productives », a réagi vendredi la porte-parole de l'OTAN Oana Lungescu.

« L'OTAN est une alliance défensive, prête à défendre tous ses membres contre toute menace. Nous ne voulons pas d'une nouvelle Guerre froide ou d'une nouvelle course aux armements », a-t-elle ajouté.

La démonstration de force de M. Poutine précède de deux semaines l'élection présidentielle du 18 mars en Russie. Elle porte un nouveau coup aux promesses de Donald Trump de réconcilier l'Amérique avec la Russie, aux relations déjà plombées par les désaccords persistants sur la Syrie et l'Ukraine et les accusations d'ingérence russe dans la campagne électorale américaine en 2016.

Lors d'une conversation téléphonique, la chancelière allemande Angela Merkel et le président américain Donald Trump se sont dits « inquiets ».

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Pesko, a rejeté les accusations américaines d'infraction au droit international. « La Russie n'a pas l'intention de se lancer dans une course aux armements », a-t-il affirmé aux journalistes.

« La Russie a été, est et sera contrainte par ses obligations internationales », a-t-il ajouté.

Missiles à « portée illimitée »

Le président russe a justifié le développement de ces nouvelles armes, qu'il a supervisé personnellement, comme une réponse à l'activité militaire des États-Unis, et notamment au déploiement de systèmes antimissiles en Europe de l'est et en Corée du Sud.

Il a ainsi présenté de nouveaux types de missiles de croisière avec une « portée illimitée » ou hypersoniques, des mini-submersibles à propulsion nucléaire ou encore une arme laser « dont il est trop tôt pour évoquer les détails ».

Selon le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, les armes russes sont désormais capables de « surpasser tous les systèmes antimissiles existants ».

Washington a réagi en accusant Moscou de « violation directe » des traités internationaux signés par la Russie, dont le traité INF sur les armes nucléaires à portée intermédiaire, paraphé par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev en 1987.

« Il ne s'agit que d'une réponse de la Russie au retrait des États-Unis de l'accord sur le système de défense antimissile et au processus très actif de développement d'un système antimissile global qui est à même de violer la parité stratégique et nucléaire et de neutraliser de fait les forces stratégiques russes », a indiqué M. Peskov.

Les États-Unis « ont également des armements desquels la Russie ne peut se défendre. C'est en cela que réside la parité », a poursuivi le porte-parole du Kremlin.

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La Russie reproche en outre aux États-Unis leur nouvelle posture nucléaire, qualifiée de « belliqueuse » et « antirusse », qui vise notamment à doter Washington de nouvelles armes nucléaires de faible puissance.

Si Vladimir Poutine a assuré ne « menacer personne » et ne pas prévoir d'« utiliser ce potentiel de façon offensive », la diplomatie américaine a jugé que le président russe n'avait pas eu « une attitude digne d'un acteur mondial majeur ».

Mais au-delà de la condamnation diplomatique, les militaires américains ont affecté l'indifférence à l'égard de ces assertions du président russe.

« Ces armes sont en développement depuis très longtemps », a déclaré à la presse la porte-parole du Pentagone, Dana White. « Nous ne sommes pas surpris par cette déclaration et les Américains peuvent être sûrs que nous sommes pleinement préparés ».

D'ailleurs, la nouvelle stratégie nucléaire des États-Unis, publiée début février, « tenait compte » de ces armes russes, a-t-elle ajouté.

Signe supplémentaire des tensions entre les deux puissances, la Russie a annoncé vendredi avoir annulé des discussions stratégiques prévues en mars avec les États-Unis, qui fait lui-même suite au retrait « inamical » de dernière minute d'une délégation américaine d'une réunion consacrée à la cybersécurité fin février.

Certains experts russes estiment néanmoins que les annonces militaristes de Vladimir Poutine s'adressent avant tout à un public intérieur avant la présidentielle du 18 mars qu'il est certain de remporter faute d'opposition réelle.