Les plus radicaux des indépendantistes catalans ont promis lundi une campagne de désobéissance massive si Madrid prend le contrôle de cette région autonome vendredi, alors qu'aucun rapprochement ne semblait en vue pour éviter l'escalade.

La majorité séparatiste du parlement régional catalan a aussi annoncé la tenue d'une séance parlementaire jeudi, à la veille du vote par le Sénat espagnol de la mise sous tutelle de cette région de 7,5 millions d'habitants, grande comme la Belgique.

La séance, qui pourra aussi se prolonger jusqu'à vendredi, aura pour but d'analyser «l'agression institutionnelle» dont les indépendantistes accusent le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

Dans les faits, le gouvernement prendra les commandes d'une région qui tient énormément à sa culture, sa langue et son autonomie, rétablie après la mort du dictateur Francisco Franco en 1975.

Le président de l'exécutif catalan, Carles Puigdemont, a menacé de faire proclamer l'indépendance de la «République de Catalogne» par le parlement régional si Madrid applique ces mesures draconiennes.

L'aile la plus radicale des indépendantistes, la CUP, l'a pressé de le faire sans attendre.

Dans un communiqué, ce petit parti d'extrême gauche, allié-clef de la coalition de M. Puigdemont, a appelé les citoyens à une» désobéissance massive» si les mesures prévues par Madrid entrent en vigueur.

Pompiers et professeurs contre l'État

Les pompiers membres de l'Assemblée nationale catalane (ANC, indépendantistes), environ la moitié du corps, ont assuré lundi qu'ils ne reconnaîtraient d'autre autorité que celle de leurs «président, gouvernement et parlement».

«Si une route est bloquée (par des manifestants) et qu'on nous demande de la débloquer, il est probable que nous ne répondions pas», a expliqué un membre de ce collectif à l'AFP sous couvert d'anonymat.

Des collectifs d'étudiants ont appelé à une grève dès jeudi à Barcelone.

Le syndicat majoritaire dans l'enseignement en Catalogne, USTEC, a appelé «la communauté éducative à résister aux exigences» de l'Etat, annonçant qu'il ne reconnaitrait comme interlocuteurs que ceux qui «représentent la légitimité populaire».

Le responsable des relations extérieures de l'exécutif catalan, Raul Romeva a défendu la même ligne dans une interview à la BBC, affirmant que les Catalans, et pas le gouvernement espagnol, étaient maîtres de leurs institutions.

«Seul le peuple a le droit de changer les institutions, que ce soit le parlement ou le gouvernement», a-t-il dit, demandant «quelle crédibilité auraient les démocraties européennes si elles laissaient faire» Madrid.

«Nous respectons l'ordre constitutionel et juridique de l'Espagne», a rappelé comme en réponse un porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas, et les mesures que prépare le gouvernement espagnol «s'inscrivent précisément dans ce contexte constitutionel».

Plus de salaire pour Puigdemont

Pour reprendre le contrôle de la région, le gouvernement prévoit de limoger l'exécutif indépendantiste, de prendre le commandement de la police, et de placer sous tutelle le parlement et les médias publics.

La région a déjà perdu la gestion de ses finances: depuis septembre, les salaires de ses 170 000 fonctionnaires sont versés directement par Madrid comme les factures de ses fournisseurs.

Elle perdrait celui de ses ressources propres - impôts sur le patrimoine, les succession et droits d'inscription dans les universités - qui représentent environ un quart de son budget.

Le gouvernement a aussi fait savoir qu'il s'attellerait à démanteler l'administration fiscale parallèle que les séparatistes préparaient.

C'est notamment la perspective d'une double imposition qui a fait fuir les entreprises par centaines. Elles étaient plus de 1300 à avoir déplacé leur siège social hors de Catalogne au 20 octobre.

À Madrid, la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, a reconnu qu'aucun contact n'avait eu lieu avec les séparatistes mais souligné que M. Puigdemont pouvait venir s'exprimer devant le Sénat pour défendre sa position.

Une fois que le Sénat aura approuvé les demandes de M. Rajoy, M. Puigdemont n'aura plus aucun pouvoir, a-t-elle prévenu.

«Il n'aura plus de signature, il ne pourra plus prendre de décision valable, il ne touchera plus son salaire», et ne pourra plus jouir d'aucun bénéfice assorti à sa fonction, a-t-elle dit.

Le président a des gardes du corps, un appartement à Barcelone, dans le palais de la Generalitat, et des voitures de fonction.

Il pourrait éviter la mise sous tutelle en convoquant lui-même de nouvelles élections régionales, expliquent le gouvernement comme l'opposition socialiste.

Un influent lobby patronal catalan, le Circulo de Economia, a demandé lundi dans un communiqué «la convocation immédiate» de ces élections.

Mais l'exécutif catalan avait écarté cette option dimanche, faisant craindre une escalade d'agitation-répression.