Le roi d'Espagne a promis vendredi que son pays saurait surmonter «une tentative inacceptable de sécession» en Catalogne alors que Madrid prépare les mesures à adopter pour reprendre en main cette région dont les dirigeants menacent de déclarer l'indépendance.

L'État espagnol a dans le même temps reçu l'appui du président du Parlement européen qui a prononcé un réquisitoire virulent contre ceux qui «sèment la discorde (et) ignorent volontairement les lois», sans toutefois citer nommément les dirigeants séparatistes catalans.

«L'Espagne doit faire face à une tentative inacceptable de sécession d'une partie de son territoire national et elle y fera face avec ses institutions démocratiques légitimes, dans le respect de notre Constitution», a déclaré le roi Felipe VI à l'occasion de la remise à l'Union européenne du prix Princesse des Asturies à Oviedo (nord-ouest).

«La Catalogne est et restera une partie essentielle de l'Espagne», a assuré le souverain, dont la voix trahissait l'émotion, évoquant un pays où après une guerre civile et une longue dictature (1939-1975), tous les peuples qui le composent voient «leur culture, leur langue et leurs institutions reconnues comme un patrimoine commun».

Une façon de reconnaître l'autonomie de la Catalogne que le gouvernement se prépare à suspendre en prenant des mesures pour bloquer les efforts des dirigeants indépendantistes et convoquer des élections régionales peut être dès janvier.

Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy doit annoncer samedi à l'issue d'un conseil des ministres extraordinaire ces mesures qu'il soumettra ensuite à l'approbation du Sénat, attendue pour la fin octobre.

Il a affirmé à Bruxelles avoir «tout fait pour ne pas en arriver» là, accusant les séparatistes de ne pas lui avoir laissé le choix.

Grâce à l'article 155 de la Constitution, Madrid pourrait assumer directement des compétences dévolues à cette région de 7,5 millions d'habitants, très attachée à son autonomie après la mort du dictateur Francisco Franco.

M. Rajoy a négocié les dispositions à prendre avec le Parti socialiste (PSOE), principale force d'opposition, qui souhaite limiter au maximum l'intervention de l'État. «Le prestige de notre État de droit est en jeu», a déclaré la socialiste Carmen Calvo, qui a mené les tractations.

Des élections évoquées

Gouvernement et socialistes ont confirmé qu'en tête des priorités figurait l'organisation d'élections en Catalogne, en principe une compétence du président régional, qui serait alors reprise par l'État.

«La logique veut que ce processus débouche sur des élections», a déclaré le porte-parole du gouvernement, Inigo Mendez de Vigo.

Ces élections anticipées pour renouveler le parlement régional - dominé depuis septembre 2015 par les indépendantistes qui avaient obtenu 47,8% des suffrages - permettraient de laisser les Catalans s'exprimer.

Mme Calvo a confirmé des informations de presse selon lesquelles les élections auraient lieu en janvier avant de reconnaître qu'il n'y avait pas encore d'accord avec le Parti populaire de M. Rajoy.

Des sources gouvernementales avaient déclaré mercredi que si M. Puigdemont acceptait de convoquer ces élections lui-même, Madrid renoncerait à l'application de l'article 155.

Le numéro trois du parti conservateur au pouvoir, Fernando Martinez-Maillo, a insisté sur le fait que jusqu'à la dernière minute, il restait «une marge» pour éviter la mise sous tutelle de la Catalogne.

Mais en Catalogne, le ressentiment d'une partie de la population est fort, rendant une marche arrière de M. Puigdemont difficile. Les manifestations se succèdent presque quotidiennement.

Deux associations indépendantistes, l'Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium Cultural dont les chefs ont été inculpés de sédition et incarcérés, ont appelé les militants à des «actions directes pacifiques», comme des retraits d'argent dans les banques.

Dans la matinée, des centaines de Catalans ont fait des retraits symboliques ou importants pour la «répression» de Madrid et le transfert de sièges sociaux de banques hors de la région.

Près de 1200 sociétés ont déjà transféré leur siège social hors de Catalogne craignant l'insécurité juridique si elle se proclamait indépendante.

Les banques ont affirmé en fin de journée que leurs opérations n'avaient pas été perturbées.

Les indépendantistes accusent l'État espagnol de bafouer leurs droits, en premier lieu «le droit de vote», alors qu'ils réclament depuis 2012 la tenue d'un référendum d'autodétermination, que la Constitution ne prévoit pas.

Bravant les interdictions de la justice, ils en ont organisé un le 1er octobre et disent avoir emporté avec 90% des voix et une participation de 43%, ce qui leur donne selon eux un mandat populaire pour déclarer l'indépendance.