L'Ukraine a empêché dimanche l'entrée dans le pays de l'ex-président géorgien Mikheïl Saakachvili, qui tentait de s'y rendre dans l'espoir de recouvrer la citoyenneté ukrainienne dont l'a privé le président Petro Porochenko.

Le train dans lequel voyageait M. Saakachvili a d'abord été bloqué en gare de Przemysl, ville proche de la frontière ukrainienne dans le sud-est de la Pologne, les autorités ukrainiennes l'empêchant d'entrer sur leur territoire.

L'ancien chef d'État, qui voyage en compagnie de son épouse, de son fils de 11 ans et de plusieurs journalistes, s'est alors rendu en autobus jusqu'au poste-frontière polono-ukrainien de Medyka, à quelques kilomètres de là.

Sur place, les gardes-frontières ukrainiens ont refusé de le laisser passer pour «raisons de sécurité», et l'ont averti que la zone du poste-frontière avait été «minée».

M. Saakachvili, 49 ans, souhaite participer aux élections en Ukraine, y promouvoir des réformes et lutter contre la corruption. Il a déchu en juillet dernier de sa nationalité ukrainienne, acquise en 2015, par le gouvernement de Kiev avec qui ses relations s'étaient fortement dégradées. Il fait parallèlement l'objet d'une demande d'extradition pour «abus de pouvoir» adressée par la Géorgie à l'Ukraine.

Il a reçu le soutien de l'ancienne première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko qui est venue dimanche à sa rencontre à Rzeszow, dans le sud-est de la Pologne.

«Nous venons défendre Mikheïl, mais nous venons défendre aussi l'Ukraine», a dit Mme Timochenko en comparant la situation actuelle en Ukraine à celle de l'époque du président pro-russe Victor Ianoukovitch. 

Changement de route 

Craignant des «provocations», l'ex-président géorgien a changé plusieurs fois de route et de moyen de locomotion. Parti en bus, il a ensuite opté pour le train, puis a repris l'autobus.

«Il y a des plans de provocations», a-t-il déclaré en évoquant «plusieurs centaines de gros bras» mobilisés par le gouvernement du côté ukrainien pour expliquer ces changements.

Cela prouve que le gouvernement de Kiev «panique», a affirmé M. Saakachvili avant d'assurer «qu'il ne voulait pas renverser le président Porochenko» mais juste défendre ses droits.

À Krakovets, ville-frontière ukrainienne par laquelle M. Saakachvili prévoyait initialement d'entrer dans le pays, plusieurs dizaines de sympathisants de l'ancien président géorgien s'étaient rassemblés dans l'espoir de l'accueillir à son arrivée.

«Nous pensons que Mikheïl Saakachvili peut diriger notre pays hors de la crise», a assuré à l'AFP Lyudmyla Goretska, une de ces sympathisantes. «Nous n'avons pas besoin de grand chose, nous voyons ce qu'il a fait dans son pays et cela nous suffit».

«Saakachvili est le futur président» de l'Ukraine, a affirmé une autre sympathisante, Maria. «Je pense qu'il changera la situation en Ukraine. Il en finira avec la guerre».

«Apatride en Ukraine» 

M. Saakachvili détient toujours son passeport ukrainien qu'il a montré à Varsovie aux journalistes en indiquant qu'il le présenterait à la frontière, «avec d'autres documents légaux». Mais les autorités ukrainiennes avaient laissé entendre qu'elles le refouleraient.

M. Saakachvili rappelle avoir passé en Ukraine quatorze ans de sa vie d'adulte et y avoir participé aux deux soulèvements pro-occidentaux de Maïdan, puis à la lutte contre la corruption en tant que gouverneur d'Odessa à partir de 2015.

Au même moment, en 2015, il a acquis la citoyenneté ukrainienne, ce qui lui a fait perdre son passeport géorgien, la Géorgie n'admettant pas la double nationalité.

Selon lui, des responsables du Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU à Genève lui ont confirmé qu'il était «apatride en Ukraine» ce qui signifie qu'il a le droit de s'y trouver pour faire appel de la décision prise en juillet par M. Porochenko à son encontre alors qu'il était aux États-Unis.

Kiev avait invoqué «des renseignements inexacts fournis dans sa demande de citoyenneté» pour justifier sa décision. Celle-ci était intervenue dans le sillage de la détérioration des rapports de M. Saakachvili avec le pouvoir de Kiev, après sa démission de son poste de gouverneur en novembre 2016 qu'il avait expliquée par les difficultés rencontrées pour combattre la corruption.

Charismatique réformateur arrivé au pouvoir en Géorgie à la suite de la Révolution de la Rose en 2003, M. Saakachvili a dirigé ce pays pendant une décennie. Critiqué pour son style autoritaire et surtout pour la guerre désastreuse avec la Russie en 2008, il est désormais recherché par la justice géorgienne pour «abus de pouvoir», une accusation qu'il dénonce comme politiquement motivée.