Appels à rassemblement, rencontre avec le président François Hollande: en plein état d'urgence en France, les syndicats de policiers tentent de reprendre la main sur un mouvement de colère inédit qui contraint le gouvernement socialiste à agir en urgence.

Pour la cinquième soirée consécutive à Paris, après la Tour Eiffel et les Champs-Elysées notamment, quelques centaines de policiers se sont rassemblés vendredi cette fois sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame. Après avoir rallié l'Hôtel de ville, la manifestation a pris fin vers 1h du matin. Des rassemblements ont eu lieu également en province, comme à Lille ou Marseille.

Les policiers réclament plus de moyens en dénonçant leurs voitures «en ruine», le manque d'effectifs, les gilets pare-balles hors d'âge... Ils soulignent aussi la forte pression depuis les attentats jihadistes de janvier 2015, l'organisation de l'Euro de football en juin et les conflits sociaux du printemps émaillés de violences.

Et près de deux ans après avoir été ovationnés par les Français après l'attentat contre le journal Charlie Hebdo et un supermarché casher à Paris, ils réclament un soutien dont ils s'estiment privés.

«Vous demandez des moyens, nous vous les donnons. Vous demandez du soutien, il vous est acquis», a assuré le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve dans une lettre envoyée vendredi aux policiers. Le patron de la police, Jean-Marc Falcone, a indiqué vendredi qu'il ferait des propositions «la semaine prochaine» au ministre sur les moyens matériels.

C'est une violente attaque au cocktail Molotov d'un véhicule de police en banlieue parisienne le 8 octobre qui a déclenché la fronde. Deux policiers ont été très grièvement brûlés, et l'un d'eux, âgé de 28 ans, est toujours plongé dans un coma artificiel.

Sans consigne syndicale, les agents, en civil et munis d'un brassard rouge «police», sont descendus dans la rue et obtenu certains gages.

Désavoués par leur base, les syndicats, qui réclamaient d'être reçus en urgence par le président socialiste François Hollande, ont obtenu gain de cause. Le chef de l'Etat a annoncé qu'il les recevrait «en début de semaine».

Ils ont également appelé à des «rassemblements silencieux» devant les tribunaux tous les mardis pour demander la «révision du cadre juridique d'emploi des armes» afin d'assouplir les règles de la légitime défense et la «mise en place de peines plancher pour les agresseurs de membres des forces de l'ordre et services de secours». Ces peines ont été créées sous la droite (2007-2012) et abrogées sous François Hollande.

Le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, qui a déjà reçu les syndicats, a promis «la plus grande fermeté» pour les agresseurs mais refusé de rétablir les peines planchers.

«Politique du chiffre»

Des appels à ne pas baisser la garde ni laisser les syndicats récupérer un mouvement né indépendamment circulaient vendredi entre policiers.

Le gouvernement a tenté ces derniers jours de jouer la conciliation. Jeudi, le premier ministre Manuel Valls a exhorté les policiers à «continuer le dialogue». En même temps, les responsables socialistes ont aussi condamné l'«utilisation politique» du mouvement par l'opposition de droite et d'extrême droite en pleine campagne électorale, à six mois de la présidentielle.

L'ex-premier ministre et favori à la primaire de la droite, Alain Juppé, a préconisé vendredi des mesures «d'urgence pour redonner confiance à nos policiers et les soutenir».

Le ministre de l'Intérieur a annoncé mercredi le lancement en novembre d'un plan «de sécurité publique» et des concertations dès lundi dans toute la France avec les policiers et leurs représentants syndicaux. Leurs conclusions seront remises «en décembre pour mise en oeuvre immédiate dès 2017».

Mais la colère n'est pas retombée. Vendredi soir, dans le cortège parisien, les fonctionnaires ont scandé : «Arrêtez la politique du chiffre, on veut des effectifs», «Policiers en colère, citoyens solidaires».

Un vaste plan de moyens matériels supplémentaires (fusils d'assaut, voitures, gilets pare-balles) avait été décidé après les attentats de 2015, mais les équipements ont surtout bénéficié aux unités spécialisées au détriment des effectifs de sécurité publique.