Islam, laïcité, immigration : les polémiques identitaires menacent d'écraser le débat à droite en France, où les couteaux sont sortis à trois mois d'une primaire cruciale pour la présidentielle de 2017.

Prémices d'une lutte acérée, les passes d'armes sur ces thèmes se multiplient entre les deux favoris du scrutin prévu pour fin novembre, l'ancien premier ministre Alain Juppé, en tête dans les sondages, et Nicolas Sarkozy, déterminé à reconquérir l'Élysée.

L'ex-président s'est lancé dans une campagne à droite toute depuis l'officialisation de sa candidature à la primaire le 22 août. Il défend pêle-mêle l'interdiction du burkini, réclame celle du voile à l'université ou encore la suppression du regroupement familial pour les immigrés.

Alain Juppé a pris son exact contrepied, martelant ce week-end devant ses partisans près de Paris sa volonté de «rassembler plutôt que d'exciter les surenchères».

Campé sur un profil modéré, il s'est revendiqué, à 71 ans, «l'homme de la situation» au moment où la France, cible des djihadistes, est secouée par des tensions sociétales qui, à l'instar de la polémique sur le burkini, affectent l'image du pays à l'étranger.

«Je ne serai pas le candidat des compromis bancals, des dénis de réalité et des demi-solutions sur l'immigration comme sur le reste», a proclamé samedi soir Nicolas Sarkozy, brocardant les «oreilles sensibles» à ses projets de son principal rival.

«Nous ne voulons pas de signes extérieurs d'appartenance à une religion dans notre pays», a-t-il répété, invoquant, devant les jeunes de son parti Les Républicains, la préservation du «mode de vie français».

«Où est-ce qu'on arrête ?»

Alain Juppé a vertement répliqué dimanche. «La France est diverse et ça, je n'en démordrai pas. Nous n'avons pas tous les mêmes origines, nous n'avons pas tous la même couleur de peau, nous n'avons pas tous les mêmes religions et ça, ça se respecte».

«Où est-ce qu'on arrête aujourd'hui cette frénésie qui s'est emparée de la société française ? Va-t-on demain interdire le port de la jupe longue à l'école ?», a-t-il ironisé sur la radio Europe 1.

Outre son opposition à une loi anti-burkini «de circonstance», Alain Juppé s'est déjà prononcé ces derniers mois contre l'interdiction du voile à l'université ou celle des menus de substitution au porc dans les cantines scolaires, prônées par M. Sarkozy au nom de la laïcité.

Il a rejeté samedi une autre revendication phare de l'ex-président, l'internement préventif des suspects de radicalisation dans des centres de rétention administrative, refusant «un Guantanamo à la française où l'on enfermerait sans jugement des milliers de personnes».

La primaire à droite est cruciale pour la présidentielle de 2017 en France, tant les divisions de la gauche au pouvoir et l'impopularité du président socialiste François Hollande, qui fera savoir fin 2016 s'il brigue un nouveau mandat, apparaissent profondes.

Son vainqueur a toutes les chances de se trouver en position de force pour gagner la course à l'Élysée en mai prochain, probablement à l'issue d'un duel avec Marine Le Pen, que tous les sondages donnent qualifiés pour le second tour.

Outre le climat de tension lié à la menace terroriste, l'omniprésence à droite du débat identitaire s'explique à cet égard en partie par la tentation de séduire l'électorat du Front national (FN, extrême droite) de Mme Le Pen.

L'immigration ou la place dans l'espace public de l'islam, deuxième religion de France, sont aussi un moyen de se distinguer pour les candidats à la primaire, qui sinon défendent des programmes économiques assez proches et tous marqués du sceau libéral.

Les sondages sur la primaire réalisés depuis l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy continuent de prédire une victoire d'Alain Juppé, mais une enquête TNS Sofres rendue publique dimanche met en lumière un net resserrement de l'écart entre les deux hommes.

Au total, 13 candidats aspirent à participer au scrutin des 22 et 29 novembre. Mais en dehors d'Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy, seuls deux autres sont assurés pour le moment d'être sur les rangs : François Fillon, ancien premier ministre de M. Sarkozy, et un de ses ex-ministres, le quadragénaire Bruno Le Maire.