L'Italie s'interrogeait jeudi sur les raisons d'un bilan de 250 morts, au lendemain du séisme meurtrier qui a réduit à l'état de ruines plusieurs villages dans le centre du pays.

La protection civile a communiqué jeudi en fin d'après-midi le dernier bilan de cette catastrophe: 250 morts et 365 blessés hospitalisés.

Des centaines de rescapés étaient toujours jeudi dans l'attente de pouvoir rentrer chez eux dans les villages les plus touchés, ou pour la majorité d'entre eux, d'une solution plus pérenne après une première nuit passée dehors, dans une tente de la protection civile, ou dans leur voiture. «Nous sommes encore sous le choc. Nous avons dormi dans la voiture cette nuit, bien qu'avec toutes les secousses, c'était difficile de dormir», a raconté à l'AFP Mario, père de deux petits garçons.

Des dizaines de répliques ont été ressenties dans la nuit et jeudi matin, dont une forte secousse vers 14 h 30 (8 h 30 au Québec), réveillant la peur pour les survivants et l'angoisse des secouristes, contraints de s'interrompre à Amatrice lorsqu'un pan de mur s'est écroulé à côté d'eux.

Des milliers de bénévoles et professionnels ont continué jeudi à chercher sous les décombres une trace de vie aussi minime soit elle. «Nous espérons toujours trouver des survivants, nous travaillons jusqu'au bout pour ça», a expliqué à l'AFP Luigi D'Angelo, responsable local de la protection civile. Le dernier survivant du tremblement de terre de L'Aquila en 2009 a été sauvé 72 heures après la catastrophe, a souligné un responsable des pompiers.

215 personnes sauvées

La protection civile a précisé jeudi qu'un total de 215 personnes avaient été sauvées depuis mercredi 3 h 36 (21 h 36 au Québec), heure de la secousse meurtrière, mais sans toutefois donner de détails sur les circonstances de ces opérations.

Seule certitude, le sauvetage émouvant et en direct en direct mercredi après-midi d'une fillette d'une dizaine d'années. La petite Georgia, sans une égratignure mais couverte de poussière, est restée impassible dans les bras de son sauveteur qui l'emportait au loin sous les vivats de la foule.

Le mystère reste en revanche presque total sur le nombre exact de disparus. La population de ces villages pittoresques et touristiques triplent ou quadruplent l'été, rendant difficile l'évaluation du nombre de personnes présentes sur les lieux au moment du drame.

Le maire d'Arquata del Tronto, Aleandro Petrucci, a d'ailleurs lancé un appel à tous les rescapés ayant quitté son village, l'un des plus touchés, afin de faciliter un décompte des éventuels disparus.

Jeudi, l'Italie a aussi commencé à se mobiliser, multipliant les initiatives, privées ou publiques pour venir en aide aux centaines de gens ayant perdu leur toit et parfois tous leurs biens.

Plus de 24 heures après le drame, des questions se posent aussi sur le pourquoi d'un bilan aussi lourd dans une zone relativement peu peuplée et composée uniquement de villages.

Le tremblement de terre à L'Aquila, non loin de la zone du séisme de mercredi, avait fait plus de 300 morts. Mais il s'agissait alors d'une ville de plusieurs dizaines de milliers d'habitants.

Le président du Conseil italien Matteo Renzi, interrogé mercredi sur ce point, a évoqué une caractéristique de très nombreux villages et bourgs italiens: l'existence de centres historiques datant de plusieurs siècles, «très beaux, mais qui risquent beaucoup plus».

Reste l'exemple, incompréhensible pour certains, scandaleux pour les autres, de l'école d'Amatrice, rénovée en 2012 pour l'adapter aux normes anti-sismiques et réduite à l'état de décombres mercredi. Une enquête a d'ailleurs été ouverte par le procureur de Rieti, ville proche du lieu du séisme, pour évaluer d'éventuelles malversations à Amatrice et dans les villages concernés.

Un premier examen d'éventuels dommages au patrimoine artistique et culturel a également été entrepris. Quelque 293 bâtiments ayant une valeur culturelle ont été endommagés voire détruits, a indiqué jeudi après-midi le ministre de la Culture Dario Franceschini.

Un conseil des ministres, prévu dans la soirée, devait décider l'état d'urgence dans les régions touchées par le séisme et annoncer une première série de mesures.

«Un travail sérieux, continu, constant sera nécessaire au cours des prochains mois», a promis mercredi le chef du gouvernement italien Matteo  Renzi. «L'objectif est de construire et de repartir», a-t-il encore assuré.

Le maire d'Arquata l'espère, car, sinon, a-t-il dit, son village et d'autres disparaîtront purement et simplement après avoir été réduits à des décombres, comme après un bombardement.

Amatrice, village meurtri et coupé en deux

Amatrice, village de montagne dévasté par un puissant séisme, est coupé en deux. Les accès se font par deux routes, au nord et au sud, mais au milieu, entre les deux, c'est la zone interdite, la zone morte, où les grues, les excavateurs et les secouristes travaillent sans relâche, nuit et jour.

«La situation est pire qu'une guerre. Nous n'avons plus rien. Ma mère ne méritait pas une mort pareille», pleure Rita Rosine, 63 ans, qui a perdu sa mère dans le séisme, et dont la maison n'est désormais plus que décombres.

Pourtant toutes ne se sont pas effondrées et ce qui reste du village révèle des scènes apocalyptiques et insolites. Une maison semble normale, debout, trois étages entiers, mais à bien regarder, il n'y a plus de façade, le regard plonge à l'intérieur.

Jeudi après-midi une nouvelle secousse, plus forte que les autres, a semé un moment l'angoisse, achevé surtout de détruire quelques maisons et soulevé la poussière dans les décombres du centre historique du village.

Mais en dépit de ces dizaines de répliques, dont la plupart n'éveillent même plus la peur, des habitants tentent de récupérer une partie de leurs biens. Un vieux monsieur, accompagné d'un jeune homme, sort d'une maison. Il pousse une valise avec des roulettes, le plus jeune porte en soufflant un grand téléviseur à écran plat.

«Jusqu'au bout»

Plus loin les secouristes - ils sont des centaines à s'être mobilisés - fouillent encore les décombres. «Nous espérons toujours trouver des survivants, nous travaillons jusqu'au bout pour ça», explique à l'AFP Luigi D'Angelo, responsable local de la protection civile, qui coordonne les opérations de secours.

Mais il y aussi ceux qui ont tout perdu et qu'il faut maintenant loger, nourrir et préserver de toute nouvelle menace de séisme.

«La priorité maintenant est d'assurer un logement pour toutes les personnes sans abri, nous montons des villages de tentes dans toutes les localités touchées», assure ce responsable.

«Ici, le froid vient rapidement, en septembre déjà, donc dès maintenant on est dans l'urgence. On verra ensuite avec les autorités locales comment résoudre de manière durable le problème des personnes déplacées», dit-il.

La marche des secours est impressionnante. Des dizaines de véhicules en tout genre, dont d'énormes camions portant des engins de déblaiement, se fraient un chemin sur la petite route de montagne qui conduit à Amatrice.

Des centaines de pompiers, volontaires de la protection civile, militaires, membres des forces de l'ordre, techniciens, ingénieurs, sont déjà sur place, créant parfois d'énormes embouteillages.

Au milieu de cette activité fébrile, trois femmes, dont une enceinte, distribuent des vêtements sur une pelouse, en plein soleil, à ceux qui n'ont rien à se mettre. Trois hommes revêtus de treillis militaires se choisissent chacun un jean.

Plus loin, une cuisine de campagne prépare et distribue des repas à tous ceux qui en ont besoin, en dépit de l'absence d'électricité, toujours pas revenue.

Des cuisiniers volontaires se sont toutefois mobilisés pour préparer des «tortiglioni all'amatriciana», la spécialité locale à base de pâtes. Pour la soirée, ils ont l'intention d'offrir une soupe chaude, pour tous ceux qui devront passer la nuit dehors, quand la température descend sous les dix degrés.